De notre correspondante
Voilà de nombreuses années que les scientifiques cherchent à médicaliser le domicile. A quoi en est-on arrivé aujourd'hui et que peut-on attendre des nouvelles technologies appliquées à ce domaine ? Ces questions ont été longuement abordées lors du congrès « e-santé, médecine de pointe, médecine de proximité » organisé à Lille par le CHR de Lille, la faculté de médecine et l'université de Lille 2.
« Techniquement, médicaliser le domicile est aujourd'hui tout à fait réalisable grâce aux capteurs intelligents et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Mais il faut avancer avec prudence si l'on veut éviter de s'emprisonner dans un monde comme celui que prédit Aldous Huxley », constate le Dr Vincent Rialle, du CNRS-faculté de médecine de Grenoble (unité techniques de l'imagerie, de la modélisation et de la cognition), qui teste depuis deux ans un appartement totalement médicalisé. Aménagé comme un appartement classique de 50 mètres carrés, avec chambre, séjour, cuisine et toilettes, il est truffé de détecteurs de mouvements, contacts de portes et autres capteurs destinés à détecter toute situation à risque et à transmettre ces données.
Des capteurs sonores permettent également la détection d'éventuels appels ou gémissements. Un logiciel, local à l'habitat, est chargé d'analyser les événements et de surveiller l'évolution des paramètres. Toutes les informations recueillies sont transmises via Internet au réseau de prise en charge.
Le procédé est techniquement au point, mais il soulève un certain nombre de questions... « Il faut s'assurer d'être réellement au service du patient et du malade... et ne pas chercher la prouesse technologique, souligne Vincent Rialle. Le système doit être robuste et sensible et viser le zéro défaut. Au plan déontologique, il est indispensable de veiller au respect de la vie privée. Pour cette raison, nous nous sommes focalisés sur les capteurs physiologiques et avons délaissé les caméras, trop envahissantes dans la vie des patients. »
Les chercheurs s'efforcent également de minimiser l'impact des capteurs sur la vie des patients. Beaucoup plus précis que les exocapteurs - installés dans l'habitat par exemple -, les capteurs corporels permettent d'obtenir des informations précieuses sur l'organe cible. Avec la miniaturisation, leur taille peut aujourd'hui être ramenée à 1 mm, ce qui élargit considérablement leur champ d'application. Placés dans les cavités naturelles ou le tube digestif, ils permettent de prendre des mesures en ambulatoire.
L'utilisation de ces capteurs ne se limite pas au champ médical, comme l'a expliqué le Dr André Dittmar, chercheur au CNRS de Lyon.
« Ils peuvent être appliqués à des mesures citoyennes : contrôler la vigilance d'un conducteur sur autoroute ou d'un contrôleur aérien constitue de la prévention qui peut éviter de nombreuses morts. Les constructeurs automobiles mènent d'ailleurs des recherches dans ce sens. »Malgré la miniaturisation, les capteurs posés sur la peau restent une contrainte. Et les équipes de recherche travaillent actuellement à des tissus intégrant les capteurs dans leur fibres. Un gilet doté de fibres optiques et de conducteurs métalliques est à l'étude.
« Avec cette technique, on n'a même plus besoin de geste médical pour poser les électrodes, précise André Dittmar.
Mais cela suppose des capteurs capables de s'autocontrôler en permanence .»Des
« vêtements intelligents »qui n'appartiennent plus au domaine de la science-fiction.
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