Avec une audience moyenne de 3,2 millions de téléspectateurs, la série « J'ai décidé de maigrir », diffusée en janvier et février dernier sur M6, a su trouver un vaste public (« le Quotidien » du 7 janvier 2003). Mais elle a aussi placé cinq des six praticiens qui y ont participé sous le couperet des juridictions ordinales.
A l'exception de l'un d'eux, le Dr Jean-Michel Cohen, qui avait pris la précaution de solliciter l'aval préalable de son conseil départemental (Hauts-de-Seine), chacun de ces praticiens attend qu'il soit statué, l'année prochaine, sur d'éventuels manquements aux règles déontologiques sur les devoirs généraux des médecins. A savoir : le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité (article 2), le respect des principes de moralité et de probité (article 3), le secret professionnel (article 4), l'obligation de s'en tenir à des données confirmées dans les actions d'information du public et l'abstention de toute attitude publicitaire (article 13), pour ne citer que ces quelques motifs.
En fait, ce qui avait surtout déclenché les foudres du président de l'Ordre de l'époque, le Pr Jean Langlois, c'était l'atteinte portée, selon celui-ci, à la confidentialité de la consultation. « Pas de caméra dans le colloque singulier, avait-il tonné. Toute consultation spectacle est par essence inadmissible. »
Pas de huis clos médecin-malade
En mettant à l'antenne deux nouvelles émissions tournées avec la participation de praticiens et de patients, « J'ai décidé d'arrêter de fumer », ce soir à 20 h 50, et « J'ai décidé d'être belle », trois émissions diffusées à partir du 4 novembre, apparemment la chaîne persiste. Mais elle s'est adaptée à la donne déontologique de l'Ordre.
« Cette fois, explique l'animateur-producteur Mac Lesggy, nous avons soigneusement veillé à ne pas prêter le flanc sur la question du huis clos médecin-malade : on ne verra pas à l'image de discussion entre le patient et son médecin. Le premier se dévoile face à la caméra, et non plus face au praticien. Quant au médecin, il est présenté essentiellement dans l'aspect technique de son intervention, et non pas dans la relation nouée avec le malade. »
Autre rectification de tir : l'émission bannit tout ce qui, de près ou de loin, pourrait ressembler à une mise en compétition de différentes méthodes. « Pour l'arrêt du tabac, nous ne faisons pas un banc d'essai entre le patch et le bupropion ou l'homéopathie, souligne Mac Lesggy. Nous nous attachons surtout à montrer que les difficultés sont propres à chaque méthode, que le sevrage ne fait pas souffrir de la même manière selon celle qu'on a retenue. »
En fait, la démarche de M6 et de Groupe VM (la société extérieure de production) se veut étrangère à un « j'ai testé pour vous » autant qu'à un remake médical de télé-réalité. Cette classification-là indispose franchement Mac Lesggy, qui revendique, dans sa démarche, une filiation avec Daniel Karlin. Cet auteur de télévision s'était illustré comme l'inventeur et le maître du genre « feuilleton documentaire » à la française, avec des uvres mémorables cosignées par Tony Lainé (« La Raison du plus fou », notamment, consacré à Bruno Bettelheim).
Rien à voir avec la démarche lofteuse. Mac Lesggy voudrait, à cet exemple, couler sa caméra dans les histoires intimes de ses personnages, dévoiler en images leur univers intérieur. « Plus qu'un éclairage sur les techniques médicales, qui sont maintenant bien connues, ce sont les aspects psychologiques liés à ces opérations qui nous intéressent, insiste-t-il. Pourquoi des femmes acceptent-elles le risque opératoire, la douleur, dans l'espoir de paraître plus belles ou plus jeunes ? Le font-elles pour elles-mêmes ou pour les autres ? Comment vivent-elles les conséquences de leurs interventions ? »
Gros seins bimbo
Moyennant quoi, il faudra se contenter de dialogues fleuris sur le mode : « Déjà que tu es vulgaire sans gros seins, alors avec des gros seins "bimbo", excuse-moi... »« Les fesses, pour moi, ça représente toute la beauté de la femme... » « Je devrais peut-être faire une thérapie, mais ça ne changerait rien à mes fesses. »
L'animateur, quoi qu'il en soit, est allé tirer la sonnette de l'ordre départemental de Paris (dont relèvent les praticiens qu'on verra à l'écran). « Je l'ai rencontré à trois reprises, raconte le Dr Gérard Zeiger, le président et aussi vice-président national chargé de la communication ; je n'ai pu que lui conseiller d'éviter de filmer une consultation et de proscrire un débat qui serait axé sur l'apologie d'une technique ou d'une méthode. »
Le Dr Zeiger a aussi été sollicité par les médecins impliqués dans l'émission, mais « il n'est pas question pour nous de nous comporter en censeurs en délivrant ou non une autorisation à passer à l'antenne, se défend-il. Ceux qui y vont sont prévenus, ils savent qu'ils doivent veiller au respect du code ».
Le Dr Zeiger ne juge pas du tout scandaleux le principe qu'un médecin passe à la télé, même s'il remarque que « ce sont les spécialistes en amaigrissement, en sexologie et en chirurgie plastique qui sont les plus présents sur les antennes, justement ceux qui exercent les spécialités les plus lucratives. A contrario, note-t-il, vous ne verrez jamais un généraliste ou un pédiatre venir faire à la télé l'apologie de sa pratique ».
Le président de l'Ordre parisien caresse toujours le projet d'une charte qui pourrait veiller à un bon accord entre journalistes et médecins (« le Quotidien » du 9 février 2003). « Ce serait, plaide-t-il, dans l'intérêt du public, de sa protection et de son droit à une information médicale de qualité. » Subsidiairement, cela dédouanerait les instances ordinales d'une mission de père-la-morale et d'un rôle policier qui ne les enchante guère. « On n'est pas posté au coin du bois, à guetter les infractions au code », insiste Gérard Zeiger.
Mais il admet que, cette fois encore, il y aura sans doute des confrères pour faire part de leur ressentiment et porter plainte.
Sous cette pression, tout en se déclarant sereins, à quelques jours de la diffusion de « J'ai décidé d'arrêter de fumer », les producteurs n'avaient toujours pas décidé si les noms des médecins seraient ou non mentionnés à l'écran.
Malgré la tentation médiatique, quelques médecins ont, en tout cas, préféré jouer l'abstention et refusé de participer au tournage. Médecine et télé ne sont pas prêts de former un couple paisible.
Et maintenant un jeu télé sur la privation de sommeil
La chaîne M6 va mettre à l'antenne prochainement (à une date non encore précisée) un nouveau jeu, intitulé « A bout de forces » et présenté comme un « divertissement où le manque de sommeil n'est qu'un prétexte », affirme le responsable de la société Usual production (filiale d'Endemol), qui le produit.
Les concurrents, quatre couples âgés de 18 à 40 ans, devront passer 36 heures éveillés à l'intérieur d'un cube équipé de cuisine, douche et toilettes, avant de subir des épreuves spectaculaires ou drôles : des épreuves physiques allant d'un parcours mêlant piscine à boules et échelle de corde à la résistance au jet de lance à incendie, en passant par « les couples » où, suspendus au-dessus du sol et maintenus par des harnais, les couples doivent rester enlacés le plus longtemps possible.
Côté concentration, les candidats devront réciter le plus vite possible l'alphabet inversé ou participer à un jeu de mémoire.
Pierre Pallardy, auteur d'ouvrages à succès sur la forme, a été consulté. Une équipe médicale est présente pour assister, le cas échéant, les candidats.
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