Pourquoi George W. Bush ne décide-t-il pas d'en finir avec ce qu'il est désormais convenu d'appeler la « résistance » irakienne et d'envoyer en Irak assez d'hommes et de matériel pour pacifier le pays ?
Parce qu'il ne le peut pas. Une partie des médias continue de l'accuser de mensonge à propos des armes de destruction massive ; un certain nombre de candidats démocrates font maintenant campagne sur l'idée qu'il ne fallait pas envahir l'Irak ; son cabinet est divisé au sujet de la marche à suivre ; l'arrogant Donald Rumsfeld ne sait plus quoi répondre aux questions insistantes des journalistes sur l'échec de la pacification, sur le nombre des victimes américaines, sur la crédibilité de la stratégie mise en uvre ; plus personne, aux Etats-Unis n'écoute le discours de Bush : on met l'accent sur les pertes militaires, on ne décrit pas les progrès accomplis dans la remise en marche du pays ; le Congrès hésite à accorder au président la rallonge de 87 milliards qu'il réclame : certains parlementaires souhaiteraient accorder des prêts plutôt que des dons à l'Irak et pendant que l'on débat sur ce point dérisoire la situation se détériore.
Une nouvelle armée irakienne
Bush ne peut pas davantage augmenter les effectifs américains en Irak : il ne les a pas. Son représentant à Bagdad, L. Paul (Jerry) Bremer, qui a déjà commis l'erreur de dissoudre l'armée de Saddam Hussein (ce qui privait les soldats irakiens de leur salaire), espère former 200 000 hommes qui assureront l'ordre et la sécurité pendant que les Américains iront débusquer les baassistes et les terroristes venus de l'étranger qui attaquent convois et appareils de l'armée US. C'est un plan à long terme et, comme en Afghanistan, l'allégeance des Irakiens est sujette à caution.
Seule la Pologne, à ce jour, a envoyé des soldats en Irak. La Turquie avait promis dix mille hommes, mais les Kurdes et le gouvernement provisoire irakien n'en veulent pas. Aucun autre pays ne semble vouloir aider les Etats-Unis.
Pourtant, les attaques antiaméricaines sont circonscrites dans un triangle dont Bagdad serait le centre ; les Kurdes tiennent fermement le Nord et au Sud, les chiites ont décidé de ne pas affronter l'occupant. Mais, constatant que les attaques étaient conduites par des éléments venus de l'étranger et appartenant à Al-Qaïda ou à d'autres réseaux terroristes, l'armée américaine a été dépêchée aux frontières qui séparent l'Irak de la Syrie et de l'Iran. Son action ne peut donc pas être concentrée sur Bagdad et ses environs immédiats.
Bien entendu, M. Bush pourrait décider de passer outre les états d'âme de son opinion publique, les attaques de l'opposition démocrate et les craintes de son propre parti. Il pourrait prélever des effectifs en Corée et en Allemagne. Il pourrait envoyer un ultimatum au Congrès. Cela s'appelle doubler la mise : s'il obtient satisfaction et finit par rétablir la sécurité en Irak, une voie royale s'offrira à sa réélection ; sinon, il peut perdre.
L'inverse de 1991
On devine qu'il réfléchit à ce dilemme, mais il n'a pas vraiment le choix. Quand les candidats démocrates afficheront le bilan, en morts et en blessés, de l'aventure irakienne au début de l'été prochain, il sera battu d'avance s'il n'a rien fait pour réduire ce bilan. Curieusement, en même temps qu'il concevait son projet pour l'Irak, il s'efforçait de relancer l'économie. La croissance l'obsédait parce qu'il se souvient de l'échec de son père aux élections qui ont suivi la première guerre du Golfe, remportée de main de maître par une coalition très large dotée d'énormes effectifs.
Aujourd'hui, on assiste plutôt au phénomène inverse : noyée sous le flot monétaire et la baisse des impôts, l'économie repart très fort. Mais la guerre pourrait être la tombe politique du président.
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