Les chiffres sont implacables. La prévalence du diabète de type 2 continue de progresser en France, comme s’en inquiète le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire dans son dernier numéro à l’occasion de la Journée mondiale du diabète le 14 novembre. Une étude menée par l’Institut de Veille Sanitaire (Invs) et la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS) révèle qu’entre 2010 et 2012, le nombre de cas de diabète traité pharmacologiquement (antidiabétiques oraux, insuline) a augmenté par an de 2,5 % en moyenne. C’est ainsi qu’en 2012 la France comptait environ 3 millions de personnes concernées, soit 4,6 % des assurés sociaux identifiés dans le Sniiram (Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie).
L’outremer de loin la plus touchée
Mais au-delà de sa « progression inlassable », le diabète en France inquiète par d’autres aspects. Les inégalités se creusent, à la fois territoriales et sociales. L’analyse par département /région de résidence met l’accent sur les disparités géographiques. Les départements d’outremer sont touchés de plein fouet avec une prévalence standardisée de 9,80 % pour la Réunion, de 8,30 % pour la Guadeloupe, de 9,24 % pour la Martinique et de 7,12 % pour la Guyane. En métropole, les régions du Nord et du Nord-Est enregistrent les taux les plus élevés : Nord-Pas-de-Calais (5,50 %), Picardie (5,46 %), Alsace (5,22 %) et Champagne-Ardenne (5,09 %). La traduction par département fait apparaître des zones sensibles « invisibles » telles que la Seine-Saint-Denis (6,94 %) et le Val-d’Oise (5,75 %). A contrario, la Bretagne affiche les chiffres les plus faibles avec une prévalence de 2,84 % en Ile-et-Vilaine, de 2,87 % dans le Finistère et de 2,94 % dans les Côtes d’Armor.
Un indice territorial du désavantage social
Sur le plan social, une analyse spécifique par niveau de désavantage social attire l’attention sur un risque augmenté de diabète dans les populations les plus défavorisées. Les épidémiologistes ont analysé la prévalence du diabète dans cinq zones définies à partir de quintiles d’un indice de désavantage social calculé au niveau communal. Y sont intégrées quatre variables socio-économiques issues du recensement de la population et des revenus fiscaux des ménages en 2009 (sources Insee). Il ressort que la prévalence du diabète traité pharmacologiquement augmente en fonction de l’indice de désavantage social, chez les femmes comme chez les hommes. Les femmes sont néanmoins un peu plus touchées, en particulier dans les zones défavorisées. Avec un niveau Q1 correspondant au quintile le moins défavorisé, et Q5 à celui le plus défavorisé, le ratio Q5/Q1 chez les femmes est de 1,7, par rapport à 1,3 chez les hommes.
Les femmes jeunes d’origine étrangère
La vulnérabilité plus grande des femmes se retrouve dans les études ENTRED entre 2001 et 2007, également rapportées un peu plus loin dans le dossier du BEH. Il y apparaît que les quintiles les plus défavorisés, selon le même indice de désavantage social utilisé précédemment, sont « plus souvent des femmes, plus jeunes et plus souvent nées à l’étranger ». La bonne nouvelle est que la plupart des indicateurs de recours aux soins ont progressé, en particulier pour la biologie et le cardiologue, quel que soit le niveau de désavantage social. Seuls les recours à l’ophtalmologue et au dentiste restent très insatisfaisants, avec un net gradient social en aggravation.
Les raisons aux fortes disparités territoriales sont « en partie connues : un risque génétique élevé, des conditions socio-économiques défavorables, des modifications rapides du mode de vie, et en particulier une prévalence de l’obésité ». De plus, alors que la prévalence du diabète augmente avec l’indice de désavantage social, il apparaît que le traitement antidiabétique des plus défavorisés est plus intensif, du fait sans doute d’une moins bonne observance, d’un échec plus précoce d’antidiabétiques oraux et/ou de formes plus difficiles. La propagation du diabète ne pourra ralentir qu’avec la réalisation d’une prévention adaptée aux besoins identifiés. Pour les épidémiologistes, il est absolument nécessaire de développer « une politique de prévention plus clairement ciblée vers les populations à risque et tenant mieux compte du fait social que constitue la propagation du diabète dans notre société ».
Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire, publié le 12 novembre 2014
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