CHEZ LES ENFANTS qui reçoivent un diagnostic de cancer au cours des quatorze premières années de la vie, la survie à cinq ans est de 77 %. La doxorubicine est un traitement efficace de la leucémie aiguë lymphoïde, le plus fréquent des cancers de l'enfant. L'efficacité de ce traitement est acquise : chez les enfants à très haut risque, un protocole contenant de la doxorubicine est associé à une survie à cinq ans sans maladie de 81 %. Cela dit, la doxorubicine comporte une cardiotoxicité persistante et souvent progressive : altération de la contractilité ventriculaire gauche, insuffisance cardiaque congestive tardive, risque accru de mort subite et de décès d'origine cardiaque.
On cherche donc à réduire cette toxicité cardiaque, notamment par des mesures au cours de la chimiothérapie. Dans ce contexte, le dexrazoxane - un éboueur de radicaux libres cardioprotecteur chez les adultes recevant un traitement par anthracyclines - constitue une possibilité prometteuse. On pense que le dexrazoxane pourrait être bénéfique chez l'enfant ; cela dit, on s'est demandé s'il ne peut pas protéger les cellules tumorales contre la chimiothérapie. Il était nécessaire d'en savoir plus : c'est dire tout l'intérêt d'une étude* signée Steven Lipshultz et coll. Multicentrique, randomisée et contrôlée, elle a été mise en place pour déterminer si le dexrazoxane peut réduire la toxicité myocardique, évaluée sur la troponine T, chez les enfants traités par doxorubicine pour une LAL nouvellement diagnostiquée.
Elévation de la troponine T.
Ce travail a comparé 101 enfants recevant la doxorubicine seule (30 mg/m2 toutes les trois semaines ; 10 doses) à 105 recevant d'abord le dexrazoxane (300 mg/m2), immédiatement suivi par la doxorubicine. Des dosages de la troponine T ont été obtenus pour 76 des premiers et 82 des seconds (total : 2 377 échantillons ; 15,1 par patient).
Résultat : des élévations de la troponine T sont survenues au total chez 35 % des patients (55 sur 158) ; cette élévation était plus courante dans le groupe doxorubicine seule (50 %) que dans le groupe dexrazoxane plus doxorubicine (21 %) (p < 0,001) ; des taux extrêmement élevés étaient présents respectivement chez 32 et 10 % des patients (p < 0,001). Le suivi total a été de 2,7 ans ; le taux de survie sans événement à 2,5 ans a été de 83 % dans les deux groupes.
« Le dexrazoxane prévient ou réduit le risque de lésion cardiaque - dont témoigne l'élévation de la troponine T - qui est associée à l'utilisation de la doxorubicine chez l'enfant, sans compromettre son efficacité antileucémique. Un suivi plus long sera nécessaire pour déterminer l'influence du dexrazoxane sur l'échocardiographie à quatre ans et sur la survie sans événement », concluent les auteurs.
Cette étude, estiment deux éditorialistes, Leontine Kremer et Huib Caron, constitue « une étape importante dans la cardioprotection efficace chez l'enfant ».
* « New England Journal of Medicine » du 8 juillet 2004, pp. 145-153, et éditorial, pp. 120-121.
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