LA GRANDE PRÉMATURITÉ (naissance avant 33 semaines d'âge gestationnel) représente de 1 à 2 % des naissances et tend à augmenter depuis quelques années dans de nombreux pays. Les raisons de cette évolution tiennent à l'amélioration de la prise en charge néonatale, la modification des attitudes obstétricales aboutissant à des décisions d'extraction foetale de plus en plus précoce et l'augmentation des grossesses multiples à haut risque de grande prématurité. En France, bien que le taux de survie des enfants grands prématurés soit assez élevé – 85 % pour les enfants naissant à moins de 33 semaines dans l'enquête Epipage – et comparable à celui d'autres pays développés, des disparités existent selon l'âge gestationnel.
Le Dr Béatrice Larroque, de l'unité Inserm 149, recherches épidémiologiques en santé périnatale et santé des femmes et groupe Epipage ont réalisé la première enquête épidémiologique de grande envergure dans 9 régions françaises (Alsace, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire, Haute-Normandie, Nord - Pas-de-Calais et Paris petite couronne). Dénommée EPIPAGE (étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels), cette étude a porté sur l'ensemble des naissances (mort-nés et naissances vivantes) survenues entre 22 et 32 semaines révolues dans ces neuf régions en 1997. L'enquête se donnait pour objectif de suivre les enfants de la naissance à 5 ans, avec un bilan de santé lors de leur 5e année. Deux groupes de comparaison ont été constitués : un groupe de naissances à 33-34 semaines et un groupe de naissances à terme. Parmi les parents d'enfants grands prématurés, 96 % ont accepté de participer à l'étude. Au total, 2 276 enfants grands prématurés, 386 enfants nés à 33 ou 34 semaines d'âge gestationnel et 555 enfants nés à terme ont été inclus dans le suivi de l'étude.
Origines de la grande prématurité.
Au sein de l'étude, 18 % des femmes avaient une grossesse multiple. Parmi les grossesses uniques, les quatre principales complications sont l'hypertension artérielle (25 %), dont 72 % de prééclampsie ; les syndromes hémorragiques – hématome rétroplacentaire (10 %), placenta prævia (5 %) – et les autres hémorragies survenues après le premier trimestre de la grossesse (13 %) ; l'accouchement prématuré, sans rupture initiale (29 %) et la rupture prématurée des membranes (36 %). Dans cette population, 58 % des femmes ont commencé spontanément leur travail, 41 % ont eu une césarienne avant travail et 1 %, un déclenchement. Un accouchement par césarienne a eu lieu pour 55 % des femmes, par voie basse après un début de travail spontané ou un déclenchement pour 45 %. Pour les grossesses gémellaires, la rupture prématurée des membranes (43 %) et l'accouchement prématuré sans rupture initiale (35 %) prédominent. «L'analyse a montré la diversité du contexte étiologique, avec des associations entre les pathologies et des variations en fonction de l'âge gestationnel.»
Dans la période de l'étude, 1,3 % des naissances ont eu lieu avant 33 semaines d'âge gestationnel : 2 901 naissances vivantes et 772 mort-nés. Le taux de survie pour les naissances entre 22 et 32 semaines était de 67 % de toutes les naissances (incluant les mort-nés), 85 % des naissances vivantes et 89 % des enfants admis au centre de transfert (réanimation néonatale, néonatologie). La survie augmente avec l'âge gestationnel : 31 % des enfants nés vivants à 24 semaines survivent à l'issue de l'hospitalisation, 50 % à 25 semaines, 78 % à 28 semaines et 97 % à 32 semaines. La mortalité est plus élevée pour les enfants avec un poids de naissance inférieur au 10e percentile. La mortalité est plus élevée pour les naissances multiples que pour les naissances uniques, alors que la mortinatalité (mort-nés) est plus faible. La durée de grossesse est très importante en termes de fréquence de séquelles : mortalité, fréquence des anomalies à l'échographie cérébrale, taux de paralysie cérébrale à 2 ans.
Une étude complémentaire a été faite à partir des données d'EPIPAGE pour étudier la mortalité néonatale et les anomalies cognitives chez les prématurés entre 30 et 34 semaines ; un groupe témoin d'enfants nés à 33 ou 34 semaines avait aussi été suivi. On observe une diminution de la mortalité néonatale, qui passe de 8,1 % à 30 semaines à 0,4 % à 34 semaines, ainsi que des anomalies de la substance blanche à l'échographie cérébrale néonatale qui diminuent de 7,2 à 2,6 %.
Risques de paralysie cérébrale.
Un travail a été effectué en vue d'identifier les principaux risques prénatals de paralysie cérébrale à 2 ans chez les grands prématurés singletons et jumeaux. La fréquence des paralysies cérébrales était de 8 % chez les singletons et de 9 % chez les jumeaux. Pour les singletons, le risque varie selon la cause de la prématurité, un travail prématuré spontané (rapport des cotes ajusté 3,4 ; IC 95 % 1,7-6,7), une rupture prématurée des membranes avec accouchement moins de 24 heures apres la rupture (4,9 IC 2-11,8) et une rupture prolongée des membranes (2,7 ; IC 1,4-5,3) étaient associés à un plus grand risque de paralysie cérébrale que l'hypertension. Cette association n'était pas retrouvée chez les jumeaux. La rupture prématurée des membranes et le travail spontané prématuré peuvent être considérés comme des marqueurs indirects d'une infection (chorio-amniotite) et les données actuelles vont dans le sens d'un risque augmenté de lésions cérébrales dû à l'infection, qui se traduit par un risque augmenté de paralysie cérébrale.
Par ailleurs, le lien entre la prévalence des paralysies cérébrales à 2 ans, les anomalies cérébrales à l'échographie néonatale et l'âge gestationnel a été étudié. Parmi les 1 954 enfants examinés à 2 ans, 8 % avaient une paralysie cérébrale. La prévalence de la paralysie cérébrale était de 20 % à 24-26 semaines comparée à 4 % à 32 semaines. A partir des résultats de l'échographie cérébrale néonatale, on observe que 17 % des enfants avec une hémorragie intraventriculaire isolée de stade III et 25 % des enfants avec une anomalie de la substance blanche (dilatation ventriculaire, hyperéchogénicités persistantes ou leucomalacies kystiques périventriculaires) ont une paralysie cérébrale comparée à 4 % des enfants avec une échographie normale. Une anomalie sévère à l'échographie est donc associée à la paralysie cérébrale, mais un tiers des enfants avec paralysie cérébrale n'ont pas d'anomalies à l'échographie néonatale.
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