« L’ORDRE JUSTE » : ce slogan de campagne de Ségolène Royal a beaucoup de succès. D’où on peut déduire que l’ordre actuel est injuste. La gauche pense que la politique des gouvernements successifs de M. Chirac favorise les nantis au détriment des plus pauvres. La droite dénonce des privilèges que l’on trouve dans certains corporatismes. Sans doute y a-t-il du vrai dans les deux thèses et faut-il combattre les inégalités chez les riches comme chez les moins riches. Mais l’objectif primordial doit être la reconquête des zones de non-droit. Le non-droit n’est pas seulement situé dans certains espaces, il se loge dans des esprits et dans des groupes.
L’affaire de Cachan.
Il en va ainsi de la question des immigrés clandestins. Ils ne sont clandestins qu’au moment de passer la frontière. Ensuite, ils se transforment en groupe puissant qui donne de la voix et utilise de nombreux relais, depuis les associations jusqu’à l’extrême gauche politique.
La question de l’immigration est complexe. On ne peut pas affirmer avec certitude que c’est un fléau : compte tenu de l’érosion du chômage et du vieillissement de la population, l’Europe, dans une vingtaine d’années, aura besoin de sang nouveau. Inversement, nous avons encore plus de deux millions de chômeurs, notre système de protection sociale ploie sous le fardeau de l’immigration, notre économie n’est nullement structurée pour absorber une main-d’oeuvre peu qualifiée, d’autant que les Français sans emploi souffrent de l’absence ou de l’insuffisance de formation.
L’évacuation du squat de Cachan a donné lieu, dans ce contexte, à d’étonnantes péripéties : les sans-papiers ont reçu le soutien actif de nombreux Français généreux, mais aussi d’associations militantes, apparemment spécialisées dans l’éducation civique des clandestins : elles leur expliquent qu’ils ont des droits, qu’ils se mettent alors à énumérer bruyamment. On est impressionné par la fluidité de leur langage politique, par l’articulation de leur raisonnement, et aussi par leur arrogance : non, ils ne bougeront pas du gymnase où le maire leur a accordé un refuge « provisoire » tant qu’on ne leur aura pas donné un logement décent. Or la plupart d’entre eux, qui n’ont pas de visa d’entrée en France, sont passibles de prison ou d’expulsion. C’est la présence des associations et de la presse qui empêche les pouvoirs publics de reconduire ces malheureux à la frontière.
Un amalgame.
Il n’y a aucun jugement à formuler : leur sort n’est pas enviable et il est inutile de les accabler. C’est dans la relation entre gouvernants et gouvernés qu’il existe un vice de forme. Chaque citoyen français a le droit d’être généreux et a raison de l’être. Mais l’Etat français a des responsabilités qu’il doit exercer et qu’il ne peut exercer qu’en appliquant le droit.
C’est de cette manière que, au mépris de la vérité historique, des associations ou des militants politiques ont établi un lien direct entre leur combat et celui des Français qui ont protégé des juifs pendant la guerre. Les juifs n’étaient pas entrés en France clandestinement, la plupart étaient de nationalité française et, pour eux, l’exil, c’était la mort. On voit donc bien où conduit l’amalgame : il n’y aurait aucune différence entre Nicolas Sarkozy et Maurice Papon. En réalité, les immigrés sont manipulés ; on les met au service d’un camp politique avant les élections bien plus qu’on ne s’intéresse à leur sort.
L’ÉTAT A DES RESPONSABILITÉS QUE N’A PAS LE SIMPLE CITOYENCe qui ne veut pas dire que le gouvernement manque de fermeté : la désobéissance civile fait partie de notre système. Les parents d’élèves qui soutiennent un petit Africain menacé d’expulsion n’obéissent qu’à leur coeur et il serait déplorable qu’ils soient privés de leur libre-arbitre dans une démocratie. Le gouvernement ne peut pas réprimer la compassion ou l’empathie.
Régimes spéciaux.
Il en va de même des régimes spéciaux de retraite : ils ont été conçus pour donner une compensation à des métiers qui furent extrêmement pénibles, mais ne le sont plus. Les cheminots et les travailleurs de la Ratp bénéficient donc d’une réduction de leur temps de carrière pour des raisons qui ont disparu. M. Sarkozy et ses amis souhaitent, s’ils parviennent au pouvoir, réformer ces régimes pour introduire un peu de justice dans la très vaste communauté des cotisants et des retraités. Du coup, les syndicats n’ont même pas tenté d’argumenter. Sachant que M. Sarkozy est encore plus favorable à un « ordre juste » que Mme Royal, ils se sont contentés de dire : «Non, jamais», sans avoir pris la peine de se justifier. Ils entérinent donc un « droit » qui s’est transformé en privilège. Et s’apprêtent sans doute à défendre ce privilège par tous les moyens habituels, grèves, manifestations et autres actions parfois illégales.
Peut-on vraiment instaurer en France un « ordre juste » quand une manifestation de lycéens est pervertie par des casseurs ? Quand, tous les soirs, en France, des dizaines, parfois des centaines, de voitures sont incendiées ? Quand des policiers se font tabasser par des voyous ? Quand des agents hospitaliers sont agressés ? Quand des citoyens innocents sont menacés ou battus ? Quand ceux qui se plaignent du racisme dont ils souffrent exaltent Ben Laden et se livrent au plus primaire des antisémitismes ? A tous ceux-là, nous avons quelque chose à dire par notre choix électoral.
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