Le désert des Tartares

Publié le 04/12/2009
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Les envahisseurs sont bien là. Malgré les doutes, les critiques, les théories de complot et autres malversations politicopharmaceutiques, les virus de la grippe A (H1N1)v se dispersent joyeusement à travers le monde. Et cela n’aura pas pris 50 ans…

La pandémie s'accélère. Le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé indique que le virus a fait "au moins 7 826 morts" dans le monde, avec plus d'un millier de décès supplémentaires (soit une hausse de 16 %) en une seule semaine. Selon l'InVS, le virus aurait déjà fait 86 morts en France métropolitaine. Certes, 86 décès face aux 60 000 morts annuelles dues au tabac, ce n’est rien. Certes, dans la plupart des cas, la grippe reste bénigne. Mais il y a ces « quelques autres », qui, pour la majorité, sont des jeunes, des femmes enceintes et des enfants, - et sans aucun facteur de risque pour 20% d’entre eux. 137 personnes âgés de moins de 60 ans (une soixantaine pour la seule Ile de France), actuellement hospitalisées en soins intensifs voire ventilés, « juste pour une grippe » : de mémoire de réanimateur, on n’avait jamais vu cela…

Le danger est réel. Nous avons affaire à un ennemi qui possède un remarquable instinct de survie. Qui adore la jeunesse. Qui se multiplie. Qui évolue pour son propre compte. Et qui mute. Avec une possibilité - faible mais bien réelle - de développement de résistance aux antiviraux.

Dans ces conditions, difficile à présent de reprocher aux autorités sanitaires le choix initial d’une stratégie « maximaliste », pourtant vivement éreintée au début de la pandémie : trop de vaccins commandés, trop de précautions, trop d’alarmisme… Après une longue phase de méfiance et de suspicion, largement entretenue par les medias, voire par certains confrères, la population semble enfin réaliser sa chance d’avoir à sa disposition un vaccin « sur mesure », développé en seulement quelques mois. Et après avoir boudé la 1ère phase de vaccination, voici venue la période d’encombrement (pourtant prévisible) des centres de vaccination dont la logistique, lourde et inadaptée, ne favorise guère la confiance ... French paradoxe ? Inconscience humaine ? Peurs collectives ? Ou tout simplement éternelle incohérence d’un monde partagé entre ceux qui n’ont rien et ne peuvent rien exprimer, et ceux qui ont tout, mais ne savent pas l’exploiter…

Dr Perle Bodossian

Source : lequotidiendumedecin.fr