Début des années 1970
Initialement décrit comme le « streptocoque de la mastite » à la fin du XIXe siècle, le streptocoque du groupe B est resté pendant plus d'un demi-siècle une cause majeure de mastite bovine. Bien qu'il ait été décrit occasionnellement dans différentes infections en pathologie humaine, ce n'est que vers le début des années 1970 qu'il a émergé comme une cause majeure d'infections néonatales. Il est peu fréquent d'observer une évolution aussi singulière dans l'épidémiologie des maladies liées à une bactérie, et les travaux de recherche en cours n'ont pas élucidé ce phénomène, même s'il est déjà clairement établi que des clones de souches présentent un risque plus important que d'autres de provoquer des infections chez le nouveau-né. En d'autres termes, certaines souches semblent avoir un tropisme préférentiel pour le nouveau-né.
Première cause d'infections néonatales
Quelle qu'en soit la raison, depuis plus de trente ans, le streptocoque du groupe B représente la première cause d'infections néonatales, loin devant une autre bactérie pourtant bien plus célèbre : Escherichia coli. Grâce aux données du programme de médicalisation des systèmes d'information (Pms), on estime qu'à la fin des années 1990 près de 4 000 infections néonatales clairement identifiées à streptocoque du groupe B survenaient annuellement en France. La particularité de cette bactérie est qu'elle infecte aussi bien le nouveau-né à terme que le nouveau-né prématuré, à la différence des autres bactéries responsables d'infections néonatales qui atteignent préférentiellement le nouveau-né prématuré.
La maladie
Le tube digestif est classiquement décrit comme étant le réservoir du streptocoque du groupe B. Chez la femme, on observe par ailleurs un portage vaginal asymptomatique de la bactérie, variant entre 10, 20, voire 25 % selon les études et, bien sûr, selon les méthodes utilisées pour la mise en évidence de la bactérie. Comme la plupart des bactéries présentes en portage vaginal (ce qui exclut bien évidemment les lactobacilles qui constituent la base même de la flore génitale), le streptocoque du groupe B peut être occasionnellement responsable de diverses infections chez la femme non gravide ou en post partum : endométrites, bartholinites, vaginites…
Mais la gravité des infections à streptocoque du groupe B est bien évidemment liée à la transmission de la bactérie de la mère à son bébé : cette transmission peut se faire pendant la grossesse, alors que le foetus est encore dans la cavité utérine (c'est la chorioamniotite), ou lors de l'accouchement, soit par voie ascendante (la bactérie passe du vagin vers l'utérus, en cas de rupture prolongée des membranes, par exemple), soit lors du passage du futur nouveau-né dans la filière génitale (il rencontre la bactérie dans le vagin). Si la maman est porteuse de la bactérie, celle-ci est transmise au nouveau-né dans environ 50 % des cas. Fort heureusement, dans la grande majorité des cas, le nouveau-né ne sera que colonisé ; mais dans 1 à 2 % cas, le nouveau-né développe une infection. Cette infection néonatale se présente soit sous forme septicémique, soit sous forme de méningite (plus rarement, sous forme d'infection pulmonaire grave), et est grevée d'une mortalité importante, mais aussi de séquelles neurologiques.
Les recommandations
Tout en répondant à une sollicitation de la Société française de pédiatrie, la Haute Autorité de santé a nommé un groupe d'experts regroupant divers représentants des professionnels de santé concernés par cette problématique. Les recommandations établies par les experts ont été publiées en septembre 2001 ; l'argumentaire complet, les recommandations et la fiche de synthèse sont disponibles sur le site : http://www.has-sante.fr, rubrique Professionnels de santé, sous-rubrique Recommandations professionnelles. Elles reposent sur des constatations évidentes. D'une part, on connaît la fréquence élevée du portage vaginal du streptocoque du groupe B, le risque important de transmission de la mère au nouveau-né et la gravité de l'infection chez le nouveau-né, y compris le nouveau-né à terme. D'autre part, on connaît l'efficacité des antibiotiques, et on sait pouvoir réduire de près de 75 % la transmission de la bactérie de la mère au nouveau-né et, par conséquent, diminuer le nombre d'infections néonatales. Enfin, on peut supposer que le coût du dépistage du streptocoque du groupe B et de l'antibioprophylaxie sera compensé par les économies réalisées en raison des complications évitées et de la rationalisation des prescriptions.
Restait à choisir un test fiable, non traumatisant et surtout applicable à grande échelle pour un coût contenu…
Le dépistage vaginal
C'est la recherche de la bactérie par culture qui a été choisie. Mais attention ! Cette prescription est différente d'un « classique » examen cytobactériologique du vagin prescrit à la recherche d'une pathologie d'origine microbienne, au cours duquel le laboratoire réalise un examen cytologique exhaustif, puis une mise en culture du prélèvement avec description de l'ensemble de la flore génitale (nomenclature des actes de biologie médicale : code 5202 - cotation B140 [pour information, le code clé B = 0,27 euro]). Dans le cas du dépistage vaginal, la mise en culture est exclusivement orientée vers la recherche du streptocoque du groupe B, sans recherche d'autres bactéries et sans réalisation d'examen cytologique (nomenclature des actes de biologie médicale : code 0214 - cotation B60). Il ne faut donc pas confondre ces deux examens, qui ont chacun des indications bien précises.
Par ailleurs, il est très important que le prélèvement à visée de dépistage soit réalisé par écouvillonnage de l'ensemble de la cavité vaginale en incluant absolument le balayage des parois de la moitié inférieure du vagin jusqu'au vestibule et la vulve.
La période idéale de réalisation du prélèvement vaginal est comprise entre la 34e et la 38e semaine d'aménorrhée.
L'antibioprophylaxie
Dans le cas où la patiente est porteuse de streptocoque du groupe B, il est inutile de lui administrer des antibiotiques à distance de l'accouchement, car la recolonisation par la bactérie est fréquente. En revanche, la patiente doit impérativement bénéficier d'une antibioprophylaxie par voie intraveineuse dès le début du travail, soit en utilisant la pénicilline G (une première injection de 5 millions d'unités, puis 2,5 millions d'unités toutes les quatre heures jusqu'à l'expulsion), soit en utilisant une aminopénicilline (une première injection de 2 grammes, puis 1 gramme toutes les quatre heures jusqu'à l'expulsion). Dans la mesure où 2 doses d'antibiotiques sont nécessaires pour réduire efficacement la transmission de la bactérie, il est important que la patiente reçoive rapidement les antibiotiques dès son admission à la maternité. Chez les patientes allergiques aux pénicillines, l'alternative peut être une céphalosporine ; s'il s'agit d'une allergie vraie aux bêtalactamines, on peut utiliser un macrolide ; mais attention, de 15 à 20 % des souches de streptocoque du groupe B sont résistantes à l'érythromycine !
Dans certains cas, l'antibioprophylaxie est également recommandée à titre systématique : si la patiente a un antécédent d'infection néonatale à streptocoque du groupe B, si la patiente est porteuse de streptocoque du groupe B au cours de la grossesse ou si la patiente a présenté une bactériurie (symptomatique ou pas) à streptocoque du groupe B, pendant la grossesse en cours.
Le message est donc clair : l'efficacité de la prévention n'est plus à démontrer. Pour preuve, aux Etats-Unis, les recommandations successives émises par les sociétés savantes de pédiatres et d'obstétriciens et par le Center for Disease Control and Prevention ont permis de réduire de plus de 80 % les infections néonatales précoces à streptocoque du groupe B, passant de plus de 2 infections pour 1 000 naissances vivantes à 0,3 pour 1 000 naissances vivantes en quinze ans. Si nous souhaitons obtenir des résultats similaires, il est important que les recommandations émises dans notre pays soient soigneusement appliquées.
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