Octobre 2010 : la HAS et l’InVS recommandaient deux nouvelles mesures afin d’améliorer le dépistage du VIH. D’une part, le généraliser, en le proposant au moins une fois dans leur vie à toutes les personnes de 15 à 70 ans. D’autre part, de renforcer le dépistage ciblé sur les personnes à risque en leur proposant au moins une fois par an. Mais au bout d’un an, on ne peut que constater que la sauce n’a pas encore pris. « Les généralistes ne sont pas convaincus ni n’ont été formés à la généralisation du dépistage, déplore le Pr Willy Rozenbaum (président du Conseil national du Sida). Du coup, ils ne jouent pas le jeu et ne le proposent pas à tous leurs patients. »
L’étude qui entretient le doute
Mais pour être convaincu, faudrait-il encore que des publications ou la réussite de projets pilotes viennent étayer l’intérêt de la systématisation. Et la dernière en date, menée par Anne-Claude Crémieux dans 29 services d’urgences en Ile-de-France, n’est pas en faveur du dépistage généralisé. En effet, le taux de cas de VIH nouvellement diagnostiqués est de 0,14 % (18 personnes positives sur 13 000 tests réalisés chez des personnes consultant les urgences pour diverses raisons). Par ailleurs, ces nouveaux sujets identifiés étaient déjà à un stade avancé de la maladie et faisaient partie des catégories à risque (7 homosexuels, 10 hétérosexuels originaires d’Afrique subsaharienne, une hétérosexuelle née à l’étranger). « Et, comme ils se présentaient pour des symptômes liés au VIH, ils auraient de toute façon été testés. Ainsi, le dépistage généralisé est peu coût-efficace et donc difficilement justifiable chez ces personnes appartenant aux populations les plus exposées », confie Anne Claude Crémieux (hôpital Raymond-Poincaré, Garches), soutenant qu’« il vaudrait mieux renforcer le dépistage ciblé, en le proposant plusieurs fois aux personnes à risque et, bien sûr, poursuivre l’effort pour encourager le dépistage volontaire de toute personne ayant pris un risque (usage de drogue, relation sexuelle non protégée...) ».
Mais d’autres voix s’élèvent en faveur du dépistage systématique. « L’étude d’Anne-Claude Crémieux est pertinente, mais elle a été réalisée uniquement dans les services d’urgence et il donc difficile de l’extrapoler pour un dépistage généralisé en médecine de ville », commente Yasdan Yasdanpanah (infectiologue, hôpital Bichat et université Paris-Diderot). Surtout qu’aujourd’hui, on ignore encore l’impact de la nouvelle campagne initiée fin 2010. « Les premières données sur 2011 montrent une légère augmentation du nombre de dépistage », indique le Dr Thanh Le Luong (directrice générale de l’Inpes).
Atteindre ceux qui échappent au dépistage
50 000 personnes séropositives s’ignorent. L’objectif du gouvernement est tout d’abord d’atteindre ces sujets, dont la majorité ne s’estimerait pas à risque, alors qu’ils le seraient en réalité : « Des personnes de plus de 50 ans, des pères de famille, etc. », évoque le Pr Yasdanpanah.
Chez ces personnes vivant dans le déni, il sera très difficile pour le médecin généraliste d’obtenir des confidences. C’est là tout l’intérêt du dépistage généralisé, qui consiste à proposer à tous un dépistage une fois dans leur vie. « Tout le monde est à risque » : avec ce message, la population peut se sentir plus concernée et le médecin plus à l’aise pour prescrire l’examen. Enfin, n’oublions pas que le dépistage généralisé ne doit pas être considéré à l’échelle de l’individu mais de façon collective. Il permet de dépister et donc soigner les personnes atteintes, mais est aussi un outil de prévention : il protège le reste de la population en abaissant le risque de transmission.
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