Cancer du col de l'utérus

Le dépistage garde toute sa place

Publié le 06/03/2008
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Le dépistage en France

Il n'y a pas, à l'heure actuelle, de dépistage organisé, hormis dans quatre départements (Bas-Rhin, Haut-Rhin, Isère, Martinique). Le dépistage opportuniste individuel a déjà fait diminuer considérablement l'incidence (30 %) et la mortalité de ce cancer (48 %) en vingt ans.

Mais les séquelles qui y sont associées sont importantes sur la qualité de vie de ces femmes jeunes, notamment sur leur fertilité à venir.

Sa prévention est considérée, depuis 2003, comme une priorité de santé publique par le ministère de la Santé dans le cadre du plan Cancer.

Evolution

La majorité des cancers du col utérin sont en liaison avec le papillomavirus humain (HPV pour Human PapillomaVirus) ; il s'agit d'un virus à haut risque oncogène sexuellement transmissible. De l'ADN de HPV est retrouvé dans 99,7 % des cas de cancer de l'utérus. Cet HPV va induire des dysplasies cervicales ou CIN (cervical intraepithelial neoplasia). Il s'agit de lésions précancéreuses d'évolutions diverses. En effet, elles peuvent soit régresser totalement, soit évoluer vers le stade de cancer invasif. Selon leur gravité, on décrit trois stades : CIN1 ou LSIL (lésion malpighienne intraépithéliale de bas grade), CIN2 et CIN3 ou HSIL (lésion malpighienne intraépithéliale de haut grade).

Le terme ASC ou ASCUS caractérise la découverte d'atypies des cellules malpighiennes.

La cible de prédilection du HPV se situe au niveau de la zone de transformation entre épithélium malpighien et épithélium glandulaire.

Il existe une quarantaine de types de virus HPV, certains sont considérés comme à haut risque (16, 18, 31, 35…) d'autres à bas risque (6, 11, 40, 42).

Les virus à bas risque sont retrouvés surtout chez les patientes ayant des condylomes ou des verrues génitales. D'après plusieurs études, 70 % des femmes ayant eu des rapports sont exposées à ce virus au cours de leur vie, l'exposition maximale se situant entre 15 et 24 ans. Quatre types de HPV, 6 et 11 (bas risque), 16 et 18 (haut risque), sont plus fréquents en cas de pathologie génitale.

En cas de contamination, le virus est éliminé naturellement en deux ans dans 90 % des cas. Dans 10 %, il pourra être responsable de lésions génitales. Dans ce cas, on pourra découvrir une CIN2 ou une CIN3 dans un délai moyen de deux ans.

Evolution vers le cancer : au stade de CIN1, 60 % des lésions vont régresser. Vingt-deux pour cent des CIN2 vont évoluer vers le stade CIN3, 5 % directement vers un cancer invasif ; plus de 12 % de CIN3 se transforment de façon péjorative.

Dépistage

Tous les experts français, même s'ils ne sont pas d'accord sur les outils utilisables, sont pour la mise en place d'un dépistage organisé du cancer du col utérin et des lésions précancéreuses.

Le Pr J.-J. Baldauf (Strasbourg) insiste toujours sur le fait qu'il s'agit d'un type de pathologie dont le dépistage est « coût-efficace ».

Dans le Bas-Rhin, un dépistage organisé a été mis en place depuis 1994. Il a abouti à 73 % de participation sur des cohortes de trois ans et 86 % sur des cohortes de cinq ans. En 2002, l'incidence du cancer du col en France, qui était de 9,8 pour 100 000 femmes et par an, a été de 6,5 pour 100 000 femmes et par an dans ce département.

Si l'on se réfère aux frottis cervico-vaginaux (FVC), on estime à 6 millions leur nombre pratiqué annuellement pour une population ciblée de 15 millions, soit entre 50 et 55 %.

A l'heure actuelle, un dépistage organisé selon les recommandations de l'ANAES (frottis triennal après deux frottis normaux contrôlés à un an) devrait permettre d'améliorer ces résultats pour un coût identique, voire moindre.

La pratique du test HPV n'est, à l'heure actuelle, recommandée qu'en cas de frottis anormaux.

Le FCV manque de sensibilité, mais sa pratique répétée augmente cette sensibilité ; pour J.-J. Baldauf, c'est l'outil idéal du dépistage.

Le test HPV est plus sensible que le frottis mais, en revanche, il est moins spécifique. En cas de résultat positif, son utilisation seule serait responsable d'une inflation du nombre de patientes à prendre en charge. Ces considérations, pour le Pr D. Reithmuller (Besançon), ne seront plus applicables sur les populations de femmes vaccinées. En effet, on estime à 50 % la diminution de frottis anormaux après vaccin. La valeur prédictive positive de cet examen va donc considérablement diminuer. C'est donc plutôt vers le test HPV que l'on devrait se tourner dans un avenir proche.

Son utilisation en dépistage primaire sera d'autant plus facile que son coût devrait diminuer notamment grâce à la mise en place future de possibilité d'automatisation. Les acteurs de ce dépistage seraient, non seulement les gynécologues, mais aussi et surtout les médecins généralistes. La pratique d'autoprélèvement par les femmes elles-mêmes est également envisageable.

De nombreuses études prouvent que, par ce mode de prélèvement, on obtient des résultats identiques pour le dépistage des CIN2 - CIN3 à ceux faits par un praticien.

Ainsi, pour le Pr Reithmuller, dans la population des femmes vaccinées, il sera possible d'envisager un dépistage utilisant les test HPV pour le tri des patientes. S'il est négatif, on les reconvoquera cinq ans après. S'il est positif, le même prélèvement permettra la pratique d'une cytologie. En cas de positivé, ce diagnostic sera alors confirmé par colposcopie +/– biopsie. Si la cytologie est négative, les patientes seraient considérées à risque et devraient être surveillées de façon plus rapprochée. Il est certain que les possibilités à venir de génotypage permettront de savoir si le virus responsable est à haut ou à bas risque ce qui pourra faciliter au mieux cette surveillance.

L'autoprélèvement pourrait s'adresser aux femmes mauvaises répondeuses de ce dépistage.

ANAES

Les recommandations de l'ANAES prévoient que toutes les femmes âgées de 25 à 65 ans qui ont une activité sexuelle bénéficient d'un frottis tous les trois ans et ce après deux frottis normaux réalisés à un an d'intervalle.

> Dr LYDIA MARIÉ-SCÉMAMA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8327