Glaucome et Dmla

Le dépistage et le suivi sont insuffisants

Publié le 03/06/2004
Article réservé aux abonnés

D'après un entretien avec le Pr José-Alain Sahel
Chef du service d'ophtalmologie, hôpital des Quinze-Vingts et fondation Rothschild, Paris

La moitié des glaucomes ne sont pas dépistés. Cette maladie silencieuse évolue durant une dizaine d'années jusqu'au moment du diagnostic, à un stade où les déficits du champ visuel sont très importants avec un handicap fonctionnel majeur. « Les raisons inhérentes à ce diagnostic tardif, observe le Pr José-Alain Sahel, sont liées notamment au fait que le dépistage du glaucome en France n'est pas organisé. Les glaucomes les plus fréquents surviennent après 40 ans, c'est pourquoi il est de règle lors d'un examen pour presbytie de contrôler la pression intraoculaire. Néanmoins, un certain nombre de personnes vérifient leur presbytie sans passer par le spécialiste et ce problème risque de s'amplifier dans les années à venir, compte tenu de la pénurie des ophtalmologistes et de la volonté de certaines mutuelles de rembourser directement les prescriptions de verre effectuées par les opticiens. »

Complétion????.
D'autres raisons plus médicales sous-tendent ce diagnostic tardif et répondent au phénomène de « complétion visuelle » : les déficits minimes ou modérés étant compensés par les autres zones du champ visuel, le patient ne se rend pas compte des zones déficitaires de son champ visuel. Ce phénomène de complétion se retrouve aussi dans le diagnostic tardif de la rétinopathie pigmentaire. Un autre élément médical du diagnostic tardif du glaucome est lié au problème de sa définition actuelle qui est une pression intraoculaire (PIO) supérieure à 22 mmHg, alors qu'en pratique ce critère n'est qu'un facteur de risque parmi de nombreux autres comme celui du glaucome (mauvaise perfusion du nerf optique, problème de tension artérielle, de circulation générale, myopie..). Autrement dit, le vrai diagnostic du glaucome repose non seulement sur la PIO, (critère qui doit être relativisé), mais aussi sur la réalisation d'un champ visuel et d'un examen de la papille optique, ce qui n'est pas envisageable aujourd'hui en dépistage de masse.
Une grande partie des rétinopathies diabétiques sont, elles aussi, liées à un manque de suivi ophtalmologique. De nombreuses initiatives internationales ont été prônées pour réduire de moitié le nombre de cécités par rétinopathie diabétique à l'aide de traitements préventifs des complications (chirurgie et laser). Néanmoins, ces initiatives supposent que le diagnostic soit porté le plus tôt possible et on peut notamment souligner l'intérêt d'opérations pilotes de dépistage (Cf. encadré).

Eventail thérapeutique.
La prise en charge thérapeutique du glaucome bénéficie de l'efficacité de nombreuses classes thérapeutiques : ß bloquants, prostaglandines, - stimulants, inhibiteurs de l'anhydrase carbonique, neuroprotecteurs (comme la mémantine) et des essais cliniques sont en cours dans la neuroprotection avec des inhibiteurs du Nmda (récepteurs au glutamate). Des progrès en termes de galénique permettent la combinaison de médicaments sous forme simplifiée (formes retard et formes combinées) permettant de réduire l'administration à une goutte par jour, d'où une meilleure compliance. La suppression des conservateurs améliore également la tolérance, mais cette mesure ne s'est pas encore généralisée. A cet égard, force est de constater que le firme française Théa est pionnière en ce domaine avec un système de filtrage qui élimine le conservateur lors de la sortie de la goutte, permettant un bénéfice important (tolérance optimisée, disparition du risque d'allergie et d'irritation) facilitant une éventuelle chirurgie ultérieure.

Espoirs pour la Dmla.
Jusqu'à ces dernières années, le seul traitement de la Dmla était la photocoagulation au laser pour les néovaisseaux. Il s'agissait donc de sensibiliser les patients à consulter avant que les néovaisseaux ne deviennent centraux, c'est-à-dire les sensibiliser à un signe important : les métamorphopsies (déformation d[212]images) avec ondulations des lignes sur la grille d'Amsler. Cette situation a évolué en raison d[212]approches thérapeutiques permettant la prise en charge des néovaisseaux centraux et notamment la thérapie photodynamique, ainsi que l'arrivée très prochaine des inhibiteurs de l'angiogenèse (anti-Vegf) actuellement en phase III qui, pour le Pr Sahel, « vont probablement bouleverser la prise en charge de la Dmla à tous les stades de néovaisseaux évolutifs, étant entendu que plus la prise en charge est précoce, meilleurs sont les résultats ». Enfin, au chapitre prévention, la grande étude Areds a montré que la prise d'antioxydants (vitamines C, E, ß carotène, zinc, lutéine) permet de ralentir l'évolution de la maladie d'environ 20 % à partir des stades précoces. D'où l'intérêt de dépister précocement les premiers signes de vieillissement de la macula (dépôts de petits cristaux appelés drusen ou modifications de l'épithélium pigmentaire) pour bénéficier de la prise d'antioxydants, commercialisés sous forme de cocktails nutritionnels correspondant aux doses exactes nécessaires.

Dr MARTINE ANDRE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7553