Dépression et périnatalité
LES TROUBLES DÉPRESSIFS de la femme enceinte surviennent plus souvent au début et en fin de grossesse. Environ, 20 % des dépressions postnatales seraient le prolongement ou la récurrence d'une dépression présente durant la grossesse. Les troubles de l'humeur sont plus fréquents chez certaines catégories de femmes et retentissent sur le déroulement de la grossesse.
Ces troubles sont probablement insuffisamment pris en charge et sous-évalués, estime Heather Flynn (Ann Harbor, Etats-Unis), en partie parce que les femmes enceintes consultent rarement pour ce motif : les idées reçues ont la vie dure et la grossesse est avant tout censée être une période d'épanouissement.
Dépister en maternité.
Pour le Dr H. Flynn, la maternité et la consultation d'obstétrique sont donc des lieux privilégiés pour dépister ces pathologies comme pour effectuer une prévention de ces troubles . Dans une étude réalisée chez 300 femmes dans un service d'obstétrique par cette psychiatre, un trouble dépressif majeur a été dépisté chez 16,5 % des femmes enceintes et plus du quart de ces futures mères avaient des antécédents de troubles dépressifs. Huit femmes déprimées sur 10 ne recevaient aucun traitement et les deux tiers, aucun soutien psychologique. Que ces troubles apparaissent ou non chez des femmes ayant eu des symptômes dépressifs antérieurement, pour H. Flynn, cette enquête souligne l'inadaptation des modalités de prise en charge. Elle pose la question du diagnostic face à des tableaux parfois atypiques où, si troubles de l'humeur et asthénie sont présents, la symptomatologie peut être dominée par des plaintes somatiques multiples et récidivantes, des préoccupations et inquiétudes disproportionnées sur le devenir de l'enfant, sur la capacité à être mère. En dehors des antécédents personnels et familiaux de dépression, certains facteurs de risque bien identifiés peuvent aider à faire le diagnostic : la primiparité et le jeune âge (< 20 ans), des antécédents d'accident obstétrical et d'avortement, des sentiments négatifs ou ambivalents par rapport à la grossesse, un isolement affectif, des antécédents de traumatisme ou de violence. D'après Kimberley Yonkers (université Yale, Etats-Unis) ces antécédents semblent être des facteurs de risque majeurs. Son étude de prévalence des troubles dépressifs chez des femmes socialement défavorisées n'ayant accès gratuitement aux soins que parce qu'elles sont enceintes (l'étude a été réalisée aux Etats-Unis) révèle en effet des taux beaucoup plus élevés de troubles dépressifs dans cette catégorie de la population ; la prévalence atteint 24 % des femmes enceintes dont la moitié avait des idées suicidaires.
Impact sur la prématurité.
L'impact sur la relation et l'attachement mère-enfant des troubles dépressifs du post-partum sont bien connus. Celui de ces troubles de l'humeur sur l'accouchement lui-même le sont moins. Sheila Marcus (Ann Harbor, Etats-Unis) a étudié le lien entre troubles de l'humeur chez les mères et particularités de la naissance de l'enfant chez 3 500 femmes et montré l'existence d'un lien étroit entre la prématurité et les troubles dépressifs de la mère chez les 13 % des femmes de cette cohorte ayant accouché prématurément. Une des hypothèses physiopathologiques pour expliquer ce phénomène serait l'influence de la dépression sur le métabolisme du cortisol, comme semblent le suggérer les mesures réalisées chez les nouveau-nés et leur mère. Par ailleurs, cette étude confirme le petit poids de naissance chez les enfants de mère souffrant de troubles dépressifs.
Dépressions post-natales.
Le trouble dépressif est plus fréquent dans le post-partum (de15 à 25 % selon les critères retenus). Il fait suite à une dépression de la grossesse qui se prolonge (20 % des cas), à un baby-blues qui se poursuit anormalement ou survient dans les mois qui suivent l'accouchement. L'installation de la symptomatologie dépressive est le plus souvent insidieuse et paucisymptomatique d'où l'intérêt, comme pendant la grossesse, d'une recherche systématique chez les femmes à risque. Recherche qui peut être faite par le médecin généraliste dans le cadre de la prise en charge du nouveau-né comme l'ont souligné Kimberley Yonkers et Sheila Marcus. Certaines formes sont cependant plus aiguës, d'allure plus nettement mélancolique avec une thématique de culpabilité centrée sur l'enfant. Dans d'autres cas, l'épisode dépressif est la première manifestation d'un trouble bipolaire.
A toutes ces phases, une prise en charge psychothérapeutique et médicamenteuse est nécessaire pour prévenir les conséquences négatives de la dépression pour la mère mais aussi pour l'enfant. Au cours de la grossesse, les psychotropes sont évités au premier trimestre du fait des risques d'embryopathie, un tricyclique imipraminique est conseillé au-delà, médicament antidépresseur qui sera interrompu, ou dont la posologie sera diminuée, deux semaines avant l'accouchement de façon à éviter le retentissement sur l'enfant des effets atropiniques. Après l'accouchement, le choix des psychotropes est évidemment plus large, mais, le traitement implique l'arrêt de l'allaitement. Pour la mère, pour l'enfant comme pour la qualité de leurs liens réciproques, le pronostic de ces états dépressifs est d'autant meilleur que la prise en charge a été la plus précoce possible.
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