« CODEX », c'est le nom de baptême d'un test rapide de dépistage de la démence, mis au point par le Pr Joël Belmin (hôpital Charles-Foix, Ivry-sur-Seine) et son équipe. Sa force réside dans sa fiabilité et dans les trois minutes nécessaires pour évaluer l'état d'un patient consultant pour des troubles cognitifs débutants.
Le travail, qui a conduit à la publication du test dans « la Presse médicale », s'est déroulé en deux temps. La première partie, dite étude d'élaboration, a été menée, pendant deux ans, auprès de 249 nouveaux patients consécutifs vus en consultation de la mémoire pour évaluation de troubles cognitifs. Les patients déjà porteurs d'une démence ont été exclus. Outre le bilan, pour chaque patient, ont été relevés l'âge, le sexe et le niveau scolaire. Ce dernier point est d'importance, car le niveau culturel modifie le seuil de diagnostic d'un trouble cognitif. Ces patients ont été soumis au classique Mmse (Mini Mental Status Examination) et au test d'horloge simplifié. Le diagnostic était posé selon les critères du DSM IV. Des variables indépendantes corrélées à la démence ont été mises en évidence : le sexe, le test d'horloge simplifié et deux items du Mmse (rappel de trois mots et orientation spatiale).
Une fois les données obtenues, les variables ont été soumises au calcul statistique en utilisant un modèle logistique multivarié. C'est ainsi qu'a été établi un algorithme, en fait un arbre décisionnel, visant à prédire le diagnostic (voir tableau) : Codex, pour Cognitive Disorders Examination. Les auteurs insistent sur un point. Des trois variables retenues pour cet arbre décisionnel, l'une évalue la mémoire épisodique à court terme (rappel de trois mots) et une autre les fonctions exécutives et visuo-spatiales (test de l'horloge). Ces fonctions sont respectivement altérées au cours de la maladie d'Alzheimer et la démence à corps de Lewy, principaux pourvoyeurs d'altération des fonctions cognitives.
Sensibilité à 92 % et spécificité à 85 %.
Puis est venue la seconde étape, celle de la validation de l'algorithme. Cette fois, 323 patients ont été enrôlés, selon les mêmes critères que ceux de l'étude d'élaboration. L'application du test a permis de chiffrer la sensibilité de Codex à 92 % et sa spécificité à 85 %. A titre de comparaison, pour le Mmse, ces valeurs sont respectivement de 94 ou de 91 % et de 67 ou de 70 % (selon le seuil utilisé dans la décision). «Codex se montre significativement plus performant que le Mmse dans le dépistage de la démence, quel que soit le seuil utilisé dans le Mmse. Codex est plus rapide, 2-3minutes contre 10-15minutes, et son interprétation est plus simple. Les valeurs seuils du Mmse dépendent du niveau scolaire, qui n'entre pas en ligne de compte dans la décision avec Codex», constatent les auteurs.
«Nos résultats suggèrent que Codex est un outil adapté au dépistage de la démence, en soins primaires, chez les sujets âgés se plaignant de troubles mnésiques», ajoutent-ils. De plus, le test ne fournit pas une simple conclusion binaire (présence ou non de démence). Il offre quatre catégories de diagnostics ouvrant sur quatre niveaux de risque (figure 2). Il peut représenter une aide dans la prise de décision et une autre façon d'envisager la probabilité de démence.
Les auteurs concluent leur étude sur un sujet de débat. Le dépistage systématique des sujets se considérant indemnes ne fait ni l'unanimité ni l'objet de recommandations. «Mais lorsque des traitements susceptibles d'arrêter l'évolution de la maladie d'Alzheimer seront disponibles, le dépistage de la démence représentera une avancée dans la réduction de la charge représentée par l'affection.»
« La Presse médicale », tome 36, n° 9, pp. 1183-1190, septembre 2007.
Codex en pratique
Avant de proposer Codex à un patient, il faut s'assurer qu'il comprend les consignes et que ses capacités sensorielles et motrices sont suffisantes. Le test se déroule, ensuite, en deux séquences, la seconde est proposée en cas d'erreur à un item au cours de la précédente.
Première étape :
– le médecin demande oralement au sujet de répéter et de mémoriser trois mots simples (clé, ballon, citron ; puis fleur, cigare, porte en cas de retest) ;
– il donne au patient une feuille de papier sur laquelle figure un cercle de grande taille et lui demande d'inscrire les nombres des heures de façon à représenter un cadran de montre. Puis il lui demande de dessiner les aiguilles indiquant 14 h 25. Est normale une épreuve quand : tous les nombres sont indiqués et à leur place ; on identifie la grande et la petite aiguille, l'heure est bien indiquée (à quelques degrés près) ;
– il demande au sujet de citer les trois mots mémorisés. Est anormale une épreuve où un ou plusieurs mots sont oubliés.
La seconde étape se compose de cinq questions :
– dans quel hôpital (ou rue) sommes-nous ?
– dans quelle ville ?
– dans quel département ?
– dans quelle région ?
– à quel étage ?
Chaque bonne réponse est cotée 1 point, le score est la somme des points.
L'interprétation est faite selon l'arbre de décision ci-dessous.

Bien accepté en médecine de ville
Depuis la validation de Codex, trois actions ont été menées en médecine générale, explique le Pr Belmin. «La première, au sein d'une seule patientèle, a permis au praticien de découvrir, à sa grande surprise, plusieurs cas de démence chez des sujets âgés.»
La deuxième a été réalisée chez 10 généralistes libéraux, correspondants du service de gériatrie. «L'acceptabilité a été excellente auprès des patients. Codex a permis de faire adresser en consultation de la mémoire des patients à test anormal.» Cette expérience préfigure un modèle d'utilisation du test dans lequel le généraliste pourrait repérer un patient à risque et l'adresser en consultation spécialisée. La troisième action est dédiée à la formation médicale continue auprès de petits groupes de médecins.
L'analyse de ces utilisations en médecine de ville n'influe pas sur la détermination de la spécificité et de la sensibilité du test, déjà déterminées par l'étude de validation. En revanche, «ce qui peut changer est sa valeur prédictive positive ou négative. Notre objectif était de mettre au point un test plus rapide et au moins aussi performant que ceux qui existent. L'important maintenant est de déterminer sa faisabilité et son acceptabilité par de nouvelles études».
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