Pour diminuer le nombre de diagnostics tardifs

Le dépistage du VIH doit être élargi

Publié le 03/07/2007
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APRÈS LE CONSEIL national du sida dans un avis de novembre 2006 et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans des recommandations, en mai dernier, c'est un groupe de chercheurs français qui se prononce en faveur d'un dépistage élargi du VIH. Cyrille Delpierre (unité Inserm 558 Epidémiologie et analyse en santé publique : risques, maladies chroniques et handicaps, Toulouse), Lise Cuzin (hôpital Purpan, Toulouse) et France Lert (unité Inserm 687 Santé publique et épidémiologie des événements professionnels et sociaux de la santé) publient, dans le « British Medical Journal », une analyse de la littérature à l'issue de laquelle ils recommandent que, en plus des orientations actuelles, la population hétérosexuelle soit désormais la cible du dépistage. «Le test de dépistage du VIH doit être proposé en routine par les médecins généralistes et les autres professionnels de santé comme n'importe quel examen de prévention, écrivent-ils . Pour sensibiliser les patients au test, les questions sur la sexualité doivent faire partie de l'examen médical.» De même, «avant de délivrer des préservatifs, les professionnels doivent encourager les patients pour qu'ils informent leurs partenaires sur leur statut sérologique. Ils doivent recommander le test à tous ceux qui ne se sont pas encore fait dépister et à tous ceux qui ont eu de nouveaux partenaires depuis leur précédent test.»

Les graves conséquences des diagnostics tardifs.

Les conclusions des chercheurs en faveur d'un dépistage élargi, proposé en routine dans le cadre de consultations médicales, s'appuient sur les données de surveillance de l'InVS (Institut de veille sanitaire), sur les résultats de l'enquête Kabp (Anrs, ORS) et de l'enquête Vespa (Anrs), ainsi que sur ceux de la cohorte Nadis (plus de 6 000 patients suivis dans six centres universitaires français).

Il ont pu constater que «plus de la moitié de la population française s'est déjà fait dépister au moins une fois». En dépit de ce fort taux de dépistage – c'est, après l'Autriche, le taux le plus élevé en Europe – , «40% des patients diagnostiqués pour la première fois sont déjà au stade de sida ou présentent des taux de CD4 inférieurs à 200/mm3». Si l'on considère les 7 000 nouveaux diagnostics enregistrés en 2004, cela signifie que 3 000 patients ont été diagnostiqués à un stade avancé de la maladie. Les conséquences de ces diagnostics tardifs sont graves. Pour les patients eux-mêmes : en France, la mortalité six mois après le diagnostic est seize fois plus importante chez les patients diagnostiqués tardivement que chez ceux pour qui le diagnostic a été porté tôt. Un risque de mortalité élevé qui s'accompagne d'un risque accru de transmission du VIH dans la population générale : les patients qui se savent infectés utilisent plus souvent le préservatif que ceux qui ignorent leur statut sérologique ; une fois le diagnostic établi, les personnes séropositives peuvent avoir accès à un traitement, ce qui réduit le risque de transmission au sein de la population.

Selon une étude américaine, un dépistage de toutes les personnes qui ignorent leur statut sérologique ferait chuter le nombre annuel de nouvelles infections de 31 %. Si on applique le taux à la France, ce sont 1 290 nouvelles infections qui pourraient être évitées chaque année.

Améliorer le dispositif.

Le dispositif mis en place dans les années 1980 dans notre pays repose sur l'accès volontaire au dépistage, le contrôle systématique des donneurs de sang et de tissus et sur une proposition systématique de test aux femmes enceintes, aux couples avant le mariage et aux prisonniers. Quant aux campagnes d'incitation au dépistage, elles ont jusqu'ici ciblé les groupes les plus exposés. Résultat, le diagnostic est aujourd'hui plus précoce chez les femmes, les homosexuels masculins, les jeunes et les personnes qui ont un nombre élevé de partenaires. En revanche, ceux qui sont les plus concernés par les dépistages tardifs ne sont pas ceux qui sont la cible privilégiée des campagnes d'incitation : les hommes plus âgés, hétérosexuels qui vivent en couple depuis plusieurs années et qui ont des enfants. «Il est urgent que le dispositif de dépistage s'améliore et inclut la population hétérosexuelle à faible risque d'infection mais à risque élevé de diagnostic tardif», concluent les auteurs.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8199