DÉPLACEMENT de la tête fémorale en haut et en arrière, la luxation se produit habituellement avant la naissance, rappelle le Pr Raphaël Seringe. Elle touche entre 6 et 10 nouveau-nés pour 1 000, mais le risque atteint 20 % chez les enfants nés par le siège (3,5 % des naissances). Dans plus de la moitié des cas, l'évolution spontanée est favorable. L'enfant guérit complètement et ne garde aucune séquelle à condition néanmoins que le diagnostic soit fait pour que, d'une part, les enfants qui le nécessitent bénéficient d'une mise en abduction et, d'autre part, pour que l'habillage, le portage et la manipulation du nourrisson ne soient pas nuisibles. Dans tous les cas, c'est-à-dire que l'enfant soit traité ou non, des conseils simples doivent donc être prodigués aux parents (voir encadré).
Une nécessaire mobilisation.
Comment expliquer que l'on assiste aujourd'hui à une baisse sensible des performances du dépistage, situation qui se traduit par des diagnostics tardifs, parfois même à l'âge de la marche, comme cela a été clairement mis en évidence au cours du séminaire d'orthopédie pédiatrique qui a eu lieu à Brest en mars 2006 ?
Après la mobilisation des orthopédistes, qui, il y a une vingtaine d'années, a porté largement ses fruits, il semble bien que le sujet ne soit plus d'actualité. Sans doute, explique le Pr Seringe, parce que les pédiatres formés à cette époque ont cessé leur activité et les nouveaux n'ont pas été correctement formés. Il faut donc que les orthopédistes incitent activement pédiatres et généralistes à rechercher, de façon systématique, une instabilité de la hanche chez tous les nourrissons, à chaque examen, et ce tout au long de la première année de vie.
L'examen clinique reste en effet la base essentielle du dépistage. « L'instabilité est le maître symptôme de la luxation, rappelle le Pr Seringe, la manœuvre d'Ortolani avec écartement simultané des deux cuisses permet dans les cas faciles d'observer à l'œil et à la main le phénomène de ressaut avec rentrée de la tête fémorale dans la cavité acétabulaire, le rapprochement des cuisses permet de percevoir le ressaut de sortie. » Si la manœuvre d'Ortolani est la plus connue, ce n'est pas la méthode la plus fiable, d'où l'intérêt de bien connaître la manœuvre de Barlow (figure et légende). Il existe par ailleurs des signes de risque indirects : l'hypertonie des adducteurs que l'on perçoit lors de la manœuvre d'angle rapide et la limitation de l'abduction observée lors de l'écartement lent des cuisses de l'enfant, un enfant qu'il faut examiner nu, bien entendu sans couche, en se basant sur le sillon fessier pour pouvoir observer toute asymétrie.
Les enfants à risque.
Le groupe des hanches à risque comprend non seulement les signes cliniques indirects, mais aussi la présentation du siège, l'existence d'un torticolis ou d'un genu recurvatum et des antécédents familiaux de luxation de hanche. Toutes ces situations imposent un examen clinique particulièrement rigoureux et la prescription d'une échographie à l'âge de un mois, ainsi qu'une radiographie à 4 mois.
L'échographie est donc le premier examen complémentaire à demander en cas de signes cliniques ou de facteurs de risque. Inutile de la faire avant 1 mois, en raison de faux positifs chez le nouveau-né, précise le Pr Seringe, qui ajoute : « L'échographie est un examen merveilleux, mais qui nécessite trois conditions indispensables : un matériel performant, un opérateur expérimenté et une grande prudence dans l'interprétation des résultats qui doivent être corrélés avec ceux de l'examen orthopédique clinique. » L'examen comporte une étude statique et une étude dynamique (figure). Il permet de distinguer trois situations : hanche parfaitement stable et bien couverte, hanche luxée et hanche douteuse (labrum trop soulevé à l'examen dynamique, aspect mal creusé du fond du cotyle, couverture de la tête fémorale inférieure à 50 %). Dans ce dernier cas, un nouvel examen clinique et une deuxième échographie sont réalisés un à deux mois plus tard. Si l'évolution est favorable, une simple surveillance avec une radiographie systématique à 4 mois est suffisante. Là aussi, la technique doit être rigoureuse avec un enfant en position de face stricte, critère essentiel pour l'interprétation. L'analyse porte sur le noyau fémoral - s'il est présent - qui doit se situer dans le cadran inféro-interne de la construction d'Ombrédanne et sur l'aspect du toit osseux de l'acétabulum qui doit être bien condensé et concave en bas. L'angle acétabulaire est intéressant par comparaison au côté opposé. Comme pour l'échographie, trois éventualités sont possibles : hanche normale, luxation évidente et hanche limite. Dans ce cas, l'examen clinique et la radiographie sont contrôlés un à deux mois plus tard.
Abduction ou surveillance.
Le traitement repose sur la mise en abduction, mais ses indications doivent être bien pesées, en effet le risque d'ostéochondrite est loin d'être négligeable, cette complication toucherait de 1 à 15 % des enfants traités. Si la hanche est luxée ou très instable, la question ne se pose pas, l'abduction stricte s'impose. En revanche, si la hanche est simplement luxable, on peut opter pour une surveillance simple avec des conseils précis (voir encadré) pour les parents, à condition de pouvoir réévaluer la situation un à deux mois plus tard. Dans la majorité des cas, la stabilisation est obtenue de façon spontanée, si la manipulation du bébé n'entretient pas la distension de la capsule empêchant cette guérison naturelle. D'où l'importance des explications claires et illustrées pour les parents.
Le recours à la chirurgie est exceptionnel, mais les retards au diagnostic peuvent imposer des traitements lourds. Ainsi, comme l'explique le Pr Seringe, lorsque le diagnostic est porté à l'âge de la marche devant la découverte d'une boiterie, l'enfant doit être mis en traction en milieu hospitalier, pendant un mois. Il est ensuite plâtré pendant 6 mois, puis une attelle est mise en place pour un mois supplémentaire. Ce n'est que vers 4-5 ans qu'une intervention est proposée si les résultats du traitement orthopédique ne sont pas satisfaisants.
D'après un entretien avec le Pr Raphaël Seringe, chef du service d'orthopédie pédiatrique, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris
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