LA JUGE parisienne Marie-Odile Bertella-Geffroy, chargée de l'affaire de l'hormone de croissance contaminée, entend associer les charges d' « homicide involontaire », qui pèsent sur onze des douze mis en examen, aux « tromperies sur les qualités substantielles de la marchandise » (1). Le Pr Jean-Claude Job, ex-président de France Hypophyse, Marc Mollet et Henri Cerceau, anciens responsables de la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris (PCH), ont été les premiers à recevoir, à la fin de mai, une nouvelle notification en ce sens. La même mise en examen supplétive a été adressée aux autres personnes poursuivies, à l'exception du Dr Micheline Gourmelen, médecin prescripteur, qui reste sous le coup du seul « homicide involontaire », et de Michel Baur, de la PCH, suspecté de « soustraction de preuves ». Il s'agit de cinq praticiens collecteurs de France Hypophyse et des Prs Fernand Dray, ex-directeur de recherche à l'Institut Pasteur, et Jacques Dangoumau, ancien patron de la Pharmacie et du médicament au ministère de la Santé.
Marc Mollet et Henri Cerceau sont encore l'objet d'une double mise en examen pour « homicide involontaire », qui fut chronologiquement leur premier chef de mise en accusation, et pour « empoisonnement ». La juge devrait procéder à une requalification en « homicide involontaire », lorsqu'elle rédigera son ordonnance de renvoi devant la juridiction compétente, après avoir reçu l'avis du procureur. Elle avait opté pour l' « empoisonnement » sachant qu'un stock d'hormones non retraitées à l'urée avait été mis en circulation jusqu'en février 1986, alors qu'il existait une obligation d' « activation » depuis juin 1985. Or, dans le scandale du sang contaminé, la Cour de cassation, qui s'est prononcée pour un non-lieu le 18 juin 2003, a écarté la possibilité de poursuivre quatre responsables pour « empoisonnement » ou « complicité ». Elle estimait qu'une telle incrimination ne pouvait être justifiée que si l'auteur des faits avait « l'intention de donner la mort », ce qui n'était pas établi.
D'où l'intention de la magistrate de se rabattre sur l' « homicide involontaire ». Pourtant, le délit d' « homicide involontaire » n'est pas facile à démontrer, car il faut prouver l'existence d'un lien de causalité entre le traitement du nanisme hypophysaire et le décès. Quant au délit de « tromperie », il est contesté par les conseils de la défense, qui font remarquer qu'en la matière il y a prescription triennale (arrêt de la Cour de cassation), depuis 1989.
Douze ans après les faits, le drame de l'hormone de croissance contaminée se terminera-t-il devant un tribunal correctionnel ? Les familles des 93 enfants morts à ce jour de MCJ (sur les 900 traités avec des lots d'hormones douteux) sont impatientes et le font savoir par la voix de l'Association de parents et victimes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Elles craignent qu'une demande en nullité, ou un appel de la qualification de « tromperie », repousse à des lendemains imprévisibles la transmission du dossier au parquet.
(1) Cette information annule l'article publié dans le « Quotidien » du 10 juin.
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