Anxiété, agitation
De 10 à 60 % des patients présentent, au cours de leur séjour en réanimation, une altération des fonctions intellectuelles supérieures. Ces troubles peuvent passer inaperçus dans 30 à 60 % des cas. Ils sont souvent polyfactoriels : organiques (hypoxie, encéphalopathie septique, déséquilibre hydro-électrolytique, etc.), secondaires aux médications (analgésiques, inhibiteurs de la pompe à protons, etc.) ou fonctionnels (déséquilibre d'une pathologie psychiatrique préexistante, privation de sommeil, sevrage, etc.). Cette altération peut aussi être due au sevrage tabagique.
Une enquête sur les conduites addictives, réalisée en 1999, par les hôpitaux d'instruction des Armées, retrouve une prévalence de la dépendance tabagique (score de Fagerström supérieur à 2) de 36,4 % chez les patients en réanimation (1).
Le sevrage tabagique se manifeste par une anxiété ou une agitation. L'anxiété des fumeurs sevrés n'est pas supérieure, mais est d'apparition plus précoce (J1) que lors des autres sevrages (alcool, benzodiazépines...).
Prévention
Les patients luttant à la fois contre la maladie et les manifestations du sevrage, la prévention du delirium tabagique doit débuter précocement chez les patients à risque.
Mayer a publié une série de patients neurochirurgicaux chez lesquels le sevrage a été facilité par l'usage de dispositifs transdermiques. Ce service utilise actuellement en routine des patch de 21 mg pour les fumeurs de plus de 10 cigarettes par jour (2).
Plusieurs toxines cardio-vasculaires coexistent dans la cigarette. Ce sont les produits de combustion du tabac (goudron et en particulier le monoxyde de carbone) qui sont toxiques.
La nicotine est responsable de l'addiction au tabac. Délivrée rapidement lors de l'inhalation de la fumée de cigarettes, elle se fixe en sept ou huit secondes sur les récepteurs nicotiniques. Au moment du pic nicotinique, la fréquence cardiaque augmente de 10 à 15 battements et la pression artérielle de 5 à 10 mmHg.
Ces manifestations hémodynamiques sont absentes lorsque la nicotine est délivrée progressivement par l'intermédiaire d'un dispositif transcutané.
Coronariens
La crainte d'utiliser ces traitements substitutifs chez les coronariens a été infirmée en 1997. Depuis, de nombreux travaux, fondés sur les suivis cliniques (fréquence cardiaque, tension artérielle systolique et diastolique) et paracliniques (holter ECG, épreuve d'effort et scintigraphie d'effort au thallium 201) ont confirmé l'absence d'augmentation puis la diminution des événements cardio-vasculaires. Les risques des traitements substitutifs sont rapidement apparus comme nuls par rapport aux bénéfices tirés de l'arrêt du tabac.
L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) dans sa recommandation pratique de mai 2003 (Les stratégies thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses de l'aide à l'arrêt du tabac) a souligné l'absence de contre-indications à l'emploi des substituts nicotiniques chez les patients coronariens. Les traitements substitutifs doivent faire partie des outils thérapeutiques de la prévention secondaire au même titre que les autres mesures (bêtabloquant, aspirine, statine, IEC, conseils diététiques, etc.).
Comme tous les autres phénomènes de sevrage, le delirium tabagique peut et doit donc actuellement, être prévenu chez les fumeurs admis en réanimation.
(1) P. Arvers, J.-P. Moulia-Pelat, J.-D. Favre, G. Auzanneau, J. Brunot, H. Delolme. Prévalence des conduites addictives chez les patients hospitalisés. « Bulletin épidémiologique hebdomadaire », n° 15, 11 avril 2000.
(2) S.-A. Mayer, J.-Y. Chong, E. Ridgway, K.-C. Min, C. Commichau, G.-L. Bernardini. Delirium from nicotine withdrawal in neuro-ICU patients. « Neurology », 2001 ; 57 ; 551-553.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature