AU COURS du processus normal de vieillissement, en dehors d'une pathologie de type Alzheimer, il se produit un déclin cognitif, touchant la mémoire et les fonctions exécutives, en relation notamment avec le fonctionnement de l'hippocampe et des régions corticales frontale et temporale.
Nicole Berchtold et coll. ont examiné les profils d'expression des gènes au niveau de régions cérébrales touchées dans des déclins cognitifs pathologiques, comme la maladie d'Alzheimer, chez 58 individus âgés de 20 à 59 ans. Ils ne présentaient pas de maladie neurodégénérative et étaient « cognitivement intacts ». L'objectif était une mise en perspective des modifications cognitives normales. Les régions examinées sont : l'hippocampe, le cortex endorhinal, le gyrus (circonvolution) frontal supérieur et le gyrus pariétal ascendant. Cette analyse novatrice fait apparaître deux concepts.
D'abord, les diverses régions du cerveau antérieur présentent différentes modifications du profil des gènes en fonction de l'âge. Par exemple, on trouve une altération avec l'âge pour 5 029 sondes dans le gyrus frontal supérieur, tandis qu'il n'y en a que 1 110 dans le cortex endorhinal.
Pendant les sixième et septième décennies.
Les modifications les plus importantes surviennent pendant les sixième et septième décennies, dans l'ensemble des régions corticales, «ce qui suggère que cette période constitue un point de transition essentiel du vieillissement cérébral». En conséquence, une attention particulière peut être portée pendant ces deux décennies, pour veiller au maintien des fonctions cognitives.
Deuxièmement, il existe des différences nettes d'un genre à l'autre, qui suggèrent «que le cerveau subit un changement dimorphique en fonction du sexe dans l'expression de ses gènes, non seulement au cours du développement, mais aussi plus tard dans la vie».
Ainsi, d'une manière globale dans l'ensemble des régions cérébrales, les hommes présentent davantage de modifications des gènes que les femmes. Une analyse plus poussée révèle les différentes catégories de gènes concernés. Le cerveau masculin semble se caractériser par une réduction globale à la fois catabolique et anabolique en fonction du vieillissement. Il y a dans ce cerveau une régulation négative de gènes impliqués dans la production énergétique, la synthèse des protéines et leur transport.
Par ailleurs, dans les deux sexes, une augmentation de l'activation immunitaire constitue un trait prédominant du vieillissement. À cet égard aussi, on voit une différence selon le genre : l'activation se manifeste plus intensément dans le cerveau féminin.
Perte globale d'environ 10 % des neurones.
À l'origine de ce travail est l'observation paradoxale que les changements cognitifs progressifs liés à l'âge ne s'expliquent qu'imparfaitement par une perte neuronale ou par des altérations des échanges synaptiques dans les régions corticales. Par exemple, malgré une diminution de l'épaisseur du cortex et des études stéréologiques qui montrent une perte globale d'environ 10 % des neurones au cours du temps entre 20 et 90 ans, le nombre des neurones et des synapses corticaux est relativement maintenu. Et si dans le hile de l'hippocampe il y existe une légère perte neuronale liée à l'âge, dans d'autres régions de cette structure, on constate une augmentation de la complexité dendritique et synaptique au fil du temps. Ce remodelage synaptique est également apparent dans les cortex temporal et frontal.
Les chercheurs soulignent à propos de leur résultats qu'ils «ouvrent un nouveau champ d'exploration des modifications, selon l'âge, de l'expression de gènes qui gèrent l'équilibre entre la neurodégénérescence et les mécanismes compensateurs du cerveau». Et ils suggèrent que cet équilibre est organisé différemment chez les hommes et chez les femmes, «une idée intrigante».
« Proc Natl Acad Sci », édition en ligne en avance.
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