Une étude danoise vient de montrer un excès de décès non naturels chez des femmes ayant perdu un enfant depuis moins de trois ans. Une élévation de la mortalité des mères à plus long terme a été également observée. Les décès sont alors le plus souvent reliés à des causes naturelles. Concernant les pères, seule une augmentation des décès non naturels à court terme a été décelée.
En partant des registres nationaux, les auteurs de cette étude, Jiong Li et coll. (université d'Aarhus, Danemark), ont recensé 12 072 décès d'enfants âgés de moins de 18 ans entre 1980 et 1996. Leurs parents (21 062 sujets) ont été suivis jusqu'à leur propre décès ou jusqu'en 1997, date à laquelle l'étude a pris fin. La mortalité observée dans cette cohorte de parents a été comparée à celle d'une cohorte témoin, composée de parents n'ayant pas perdu d'enfants.
Accidents, suicides ou causes non naturelles
Le traitement des données ainsi recueillies a permis aux auteurs de mettre en évidence un excès important de décès parmi les mères endeuillées, par rapport à la cohorte témoin (mortalité multipliée par 1,43). Cette élévation de la mortalité est particulièrement flagrante en ce qui concerne les décès par accident, suicide ou d'autres causes non naturelles (multipliée par 2,45).
En étudiant la mortalité en fonction du délai séparant la mort de l'enfant de celle des parents, Li et coll. ont montré que les morts non naturelles des mères surviennent majoritairement au cours des trois premières années suivant le décès de leur enfant. A plus long terme, l'élévation du taux de mortalité des mères est surtout attribuable à une élévation de la fréquence des décès par causes naturelles (cancers, pathologies vasculaires ou digestives, etc.).
Globalement, la mortalité des pères n'est pas modifiée par le décès d'un enfant. Cependant, une élévation du risque de décès par cause non naturelle (multiplié par 1,57) a pu être constatée pendant la période de trois ans suivant la perte de leur enfant.
Les auteurs se sont intéressés à l'impact de la cause du décès de l'enfant sur la mortalité des mères. Ils ont pu observer qu'une mort non naturelle et/ou inattendue de l'enfant provoque une augmentation de la mortalité des mères plus forte que dans le cas de la perte d'un enfant par mort naturelle et/ou prévisible. En outre, il est apparu que la mort d'un enfant de moins de 1 an affectait moins la mortalité des mères que la mort d'un enfant plus âgé.
Li et coll. ont recherché un éventuel effet de l'âge des mères, de leur niveau d'éducation, de leur résidence à la ville ou à la campagne, ou du nombre de leurs enfants, sur leur mortalité consécutive au décès d'un enfant. Même si les mères jeunes, possédant un niveau d'éducation assez bas, vivant en ville et ayant plusieurs enfants, ont montré une mortalité plus faible, aucune corrélation significative n'a pu être établie entre les données socio-démographiques et la mortalité des mères endeuillées.
Modification du risque de cancer
Un choc psychologique, tel que le décès d'un enfant, est susceptible de créer des changements physiopathologiques conduisant à une augmentation de la susceptibilité aux maladies infectieuses ou cardio-vasculaires, ainsi qu'à une modification du risque de développement et du pronostic de cancers. En outre, les stress psychologiques conduisent dans certains cas à l'adoption de comportements affectant l'espérance de vie (dépression, consommation excessive de tabac, d'alcool ou d'autres drogues). C'est pourquoi il avait été déjà suggéré que le décès d'un enfant pouvait affecter l'espérance de vie des parents.
Cependant, les études qui avaient été menées jusqu'à présent n'avaient pas permis de valider cette hypothèse. Seule une élévation de la mortalité des mères célibataires et une moins bonne survie des pères atteints d'un cancer avaient pu être démontrées.
Cette nouvelle étude indique clairement que l'élévation de la mortalité des parents ayant perdu un enfant n'est pas restreinte à ces deux populations particulières : le phénomène peut être observé dans l'ensemble des parents, tout du moins au cours des trois années suivant le décès à l'origine du choc psychologique.
J. Li et coll., « The Lancet » du 1er février 2003, pp. 363-367.
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