CELA FAIT quelques mois que Yasser Arafat a nommé un nouveau Premier ministre, Ahmed Qoreï, qui, jusqu'à présent, n'a pas relancé les négociations avec le gouvernement israélien. Toutefois, un sommet entre les deux chefs de gouvernement est prévu, en dépit de l'attentat commis il y a une dizaine de jours à Jérusalem et qui a fait vingt morts.
Personne ne respecte la feuille de route.
M. Sharon a déclaré que l'attentat, revendiqué par les brigades El-Aqsa, qui se réclament de M. Arafat, justifiait encore un peu plus la construction du fameux mur destiné à séparer les deux peuples selon un tracé englobant les plus grosses des colonies israéliennes. De toute évidence, la « feuille de route » soutenue par l'ONU, les Etats-Unis, l'Europe et la Russie n'est respectée ni par Israël ni par les Palestiniens. La poursuite du cycle attentats-représailles bloque les pourparlers et a fortiori toute notion de calendrier. M. Arafat n'a fait aucune proposition depuis la nomination de M. Qoreï et se contente, de temps en temps, de dénoncer les ripostes israéliennes ou la construction du mur, désigné comme celui « de l'apartheid ». Le président de l'Autorité palestinienne continue de croire qu'une communication appuyée sur une phraséologie diffamatoire peut lui procurer des avantages.
Mais le temps ne joue pas pour lui. En effet, M. Sharon est en train d'ébaucher un projet de solution. Il a complété sa décision d'évacuer Gaza, où vivent 7 500 colons, par une proposition, qu'il souhaite faire à M. Qoreï, d'échanges de territoires : pour compenser l'annexion (par le mur) de la zone où sont implantées les colonies les plus importantes, il veut donner aux Palestiniens une zone israélienne située plus au sud et peuplée presque exclusivement par des Arabes israéliens. Lesquels ont fait savoir qu'ils s'opposaient à ce plan qui les priverait, disent-ils, de leur nationalité israélienne.
LE BLOCAGE VIENT DU DÉSIR DE CHACUN DES DEUX ADVERSAIRES D'ÉVITER LA GUERRE CIVILE CHEZ LUI
L'initiative de paix dans l'impasse.
La solution envisagée par les promoteurs de l'initiative de paix (le plan Abed Rabbo-Yossi Beilin) est plus profonde, plus juste et restitue aux Palestiniens une portion plus grande de la Cisjordanie. Applaudi par tous les partisans de la paix, ce plan a été rejeté à la fois par M. Sharon et par M. Arafat, qui y voit la perte du droit au retour des Palestiniens. On se retrouve dans un dilemme : une solution rêvée dont le chemin est jalonné par les actes de violence ; et une solution unilatérale qui a une chance d'être appliquée.
L'absence totale de diplomatie palestinienne, la solitude de M. Arafat, qui se consacre uniquement à une communication imprécatoire, la fermeté de M. Sharon traduisent un déséquilibre entre les moyens des Palestiniens et ceux des Israéliens. En outre, ce que fait le gouvernement israélien est progressif et ne préjuge pas vraiment du contour de l'Etat palestinien ; si l'initiative de paix a un défaut, comme le souligne Henry Kissinger, c'est qu'elle veut régler tous les problèmes simultanément dans un contexte si tendu qu'aucun progrès d'aucune sorte n'a été encore possible.
En annonçant l'évacuation des colons de Gaza (avec armes et bagages), M. Sharon a provoqué la fureur de ses propres partisans, notamment au Likoud, qui lui reprochent son reniement. Mais les travaillistes ont aussitôt fait savoir qu'ils soutiendraient le Premier ministre, lequel devrait alors gouverner sans l'appui d'une fraction de son parti, mais avec le Shinoui et les travaillistes. Le chef du gouvernement fait face, par ailleurs, à une enquête sur des faits de corruption où ses deux fils sont fortement impliqués et où lui-même est suspect. Il se peut que M. Arafat attende la démission de M. Sharon et de nouvelles élections.
L'évolution de Sharon.
Ce serait désespérant, parce qu'on a le sentiment que le même scénario se répète depuis des années. Si l'initiative de paix n'est soutenue ni par les gouvernements concernés ni par les grandes puissances, pourquoi ne pas se tourner vers ce nouveau Sharon, qui a renoncé au mythe du Grand Israël, a brisé le lien entre la religion et la politique et s'efforce de répartir les territoires en fonction des populations qui vivent, allant même jusqu'à imaginer que les colons les plus éloignés pourraient rester là où ils sont mais sous souveraineté palestinienne.
Même si l'aile droite du Likoud et les religieux menacent M. Sharon de toutes les malédictions, ils n'empêcheront pas une majorité d'Israéliens de se prononcer en faveur de l'évacuation de Gaza, ce qui serait un petit pas vers la paix. Même si une partie des colons menacent Sharon d'une guerre civile, beaucoup d'entre eux accepteraient de retourner en deça de la ligne verte, pourvu qu'ils soient indemnisés.
Il est vrai que le blocage israélo-palestinien vient principalement du désir de chacun des deux adversaires d'éviter la guerre civile chez lui. Dans ce cas, on ne peut pas nier que M. Sharon a pris des risques et que M. Arafat n'en prend aucun, malgré les ravages de la guerre et les souffrances des Palestiniens.
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