Congrès-Hebdo
Les interruptions thérapeutiques recouvrent chez les patients infectés et bien contrôlés des entités bien différentes : les traitements intermittents à cycles courts ou longs et les interruptions proprement dites, avec surveillance des CD4.
Les résultats présentés à Boston ne sont pas défavorables aux cycles courts (7 jours traités-7 jours non traités) et aux interruptions proprement dites. Ainsi, une étude thaïlandaise (J. Ananworanich et coll.) portant sur 74 patients suivis pendant 48 semaines montre que ces deux stratégies sont globalement équivalentes au traitement continu, en termes de résultat clinique, de tolérance et de qualité de vie, malgré de petites différences liées aux périodes de contrôle (CD4 et charge virale). De même, une étude espagnole portant sur 122 patients montre que l'interruption de traitement, contrôlée sur CD4 et charge virale, ne s'accompagne pas de manifestations cliniques ou virologiques défavorables, 43 % des patients pouvant rester sans traitement, avec un recul de 48 semaines (L. Ruiz et coll.). En revanche, une étude américaine (M. Dybul et coll.) montre que les cycles longs (7 cycles de 8 semaines séparés par des fenêtres thérapeutiques d'un mois) sont néfastes : ils ne font pas régresser les marqueurs de toxicité et ils font émerger des résistances (notamment à l'éfavirenz et au 3TC). Les cycles longs semblent donc devoir être abandonnés.
De toute façon, l'ensemble des orateurs insiste sur les problèmes humains posés par ces interruptions : dans certains cas, elles peuvent inquiéter, voire paniquer, le patient ; dans d'autres, elles peuvent nuire à l'observance. En un mot, une telle décision ne peut être prise - si elle doit être prise - sans la parfaite compréhension et l'adhésion du patient.
Virus multirésistants : Français et Américains divergent
Le débat a également porté sur les interruptions thérapeutiques pratiquées chez des patients très lourdement traités et présentant des virus multirésistants, dans l'objectif d'améliorer le statut immunologique et, si possible, de ramener le virus à l'état « sauvage ».
Deux études présentées à Boston aboutissent à des résultats apparemment contradictoires, même si les protocoles ne sont pas superposables.
Christine Katlama a présenté les résultats de l'étude ANRS 097, plus connue sous le nom de GIGHAART, qui a consisté à administrer chez 63 patients déjà très lourdement traités et en échec thérapeutique (> 50 000 copies, < 250 CD4/mm3) une association très lourde (3 ou 4 nucléosidiques, 1 non-nucléosidique, 3 inhibiteurs de protéase). En ouvert, après randomisation, certains de ces patients recevaient le traitement de sauvetage immédiatement, et les autres, après 8 semaines d'interruption (GIGHAART différé). Après 12 semaines de traitement réel, la réduction de la charge virale était plus importante dans le second groupe (p = 0,053) et il en a été de même à 24 semaines (p = 0,077).
Parallèlement, le nombre de CD4 a davantage augmenté dans le même groupe. Des bénéfices virologiques et immunologiques persistaient chez les patients ayant pu être suivis pendant 48 semaines.
L'étude CPCRA 064, étude prospective américaine portant sur 270 patients en échec thérapeutique (5 000 copies) et présentant des virus multirésistants (documentés par étude génotypique), aboutit à une conclusion beaucoup plus optimiste. Il est vrai que, dans ce cas, les patients étaient soumis à une interruption de 4 mois et que le traitement « optimal » était défini à partir de données génotypiques et phénotypiques. Après un suivi médian de 11,6 mois, J. Lawrence (San Francisco) ne rapporte pas de bénéfice immunovirologique de l'interruption thérapeutique ; surtout, cette dernière double presque le nombre d'évolutions cliniques défavorables : 22 (8 décès et 14 infections opportunistes) contre 12 (8 décès et 4 infections opportunistes). La conclusion de J. Lawrence est claire : il ne faut plus faire d'interruption thérapeutique dans l'espoir d'améliorer le statut immunovirulogique des patients présentant un sida sévère...
Dans ces conditions, on comprend les conclusions générales prudentes du Pr H. Guenthard (Zurich) : ces stratégies d'interruption demeurent du domaine de la recherche et ne peuvent être généralisées sans essais contrôlés. En attendant, cette éventualité peut être débattue, au cas par cas, chez des patients très bien contrôlés (CD4 élevés) et/ou en présence d'effets secondaires sévères des traitements.
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