EN AVRIL 2005, l’Académie de médecine et l’Académie des sciences ont présenté un rapport commun sur « la relation dose-effet de l’estimation des effets cancérogènes des faibles doses de rayonnements ionisants », s’attaquant à un postulat très fort de la radioprotection depuis près de quarante ans : la relation linéaire sans seuil entre la dose de radiations ionisantes et le risque de cancer (« le Quotidien » du 14 avril 2005).
Schématiquement, les effets pour la santé des faibles doses (en pratique, inférieures à 50 mSv) ne sont pas seulement faibles, et donc difficiles à identifier, mais nuls au-dessous d’un seuil précis qu’il reste à définir. Donc, de nombreuses mesures des politiques dans ce domaine n’ont pas de justifications publiques. Bien plus, comme le soulignent les Prs Maurice Tubiana, André Aurengo et Dietrich Averbeck, «une surestimation des risques des faibles doses peut sembler sans inconvénient, ne conduisant au pire qu’à une surprotection superflue», mais pourrait aussi «faire renoncer à des examens utiles et avoir un effet négatif en santé publique».
S’appuyant sur les données récentes de radiobiologie, qui montrent que les mécanismes de défense d’un organisme contre les rayonnements X ou gamma (réparation de l’ADN et mort cellulaire des cellules lésées) varient en fonction des doses et du débit de dose. Aux très faibles doses, les lésions toucheraient un nombre limité de cellules, ce qui rendrait possible l’élimination des cellules lésées soit par mort cellulaire, soit par activation du système de réparation de l’ADN.
Le rapport des deux académies considère qu’il n’y a pas, sur le plan épidémiologique, de preuve d’un effet cancérogène pour des doses inférieures à 100 mSv. Cette conclusion est partagée par un rapport d’experts internationaux, rapport Bier 7 (Biological effects of ionizing radiation), même si ces derniers ne remettent pas en cause la relation linéaire sans seuil (Rlss) qu’ils continuent à prescrire en dépit des incertitudes qui pèsent sur elle. Le « BEH » publie une nouvelle étape de la controverse. David J. Brenner et Rainer K. Sachs, de l’université Columbia (New York) et de l’université de Californie (Berkeley) contestent point par point les arguments avancés par les chercheurs français. Ils concluent qu’il «n’y a pas de preuves convaincantes» en faveur de la mise en oeuvre des processus décrits (réparation d’ADN, mort cellulaire spécifique aux faibles doses) et qu’en «l’absence de preuves solides pour un processus de restitution ad integrum sans erreur qui serait spécifique des faibles doses, la thèse microdosique de linéarité demeure l’approche la plus crédible scientifiquement, conduisant à extrapoler le risque pour les très faibles doses à partir des études épidémiologiques pour des doses élevées». Le débat reste donc ouvert.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature