ÊTRE OU NE PAS ÊTRE dans le système conventionnel. Rejoindre une convention que l’on combat pour «peser» davantage de l’intérieur et mieux défendre ses idées.
Le débat refait surface depuis quelque temps dans le camp des adversaires de la convention ; et certains leaders jugent qu’une stratégie d’adhésion serait plus payante qu’une opposition frontale qui tend à montrer ses limites.
En réalité, chez les opposants, la question ne se pose pas de la même façon pour les deux syndicats actuellement représentatifs (MG-France dans le collège généraliste, la FMF dans le collège spécialiste), qui peuvent décider du jour au lendemain de rejoindre la convention, et pour les deux organisations non représentatives qui ne pourront de toute façon rien signer tant qu’une nouvelle enquête de représentativité n’aura pas rebattu les cartes (Espace Généraliste et l’Union collégiale des chirurgiens, médecins et spécialistes français – Uccmsf).
Reste que le débat sur la stratégie conventionnelle se pose collectivement puisque les « anti », réunis depuis quelques mois en «intersyndicale majoritaire», sont désormais privés de l’arme du droit d’opposition à la convention ; celui-ci leur permettait de bloquer les nouveaux avenants élaborés en leur absence. Mais devant le risque de paralysie, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007 a limité ce droit d’opposition aux seuls syndicats déclarés représentatifs (amendement Vasselle soutenu par le gouvernement). Dès lors, les trois signataires actuels de la convention (Csmf, SML et Alliance) ont les coudées franches pour négocier et signer tous les accords, le front du refus étant réduit à exercer le magistère de la parole.
Pour certains opposants, il est temps de s’adapter à cette situation nouvelle.
« Pas illogique. »
Partisan d’un regroupement des forces de la médecine générale et d’une nouvelle dynamique conventionnelle, Espace Généraliste(EG) se pose en fer de lance de cette réflexion sur l’adhésion des opposants à la convention. «Le débat sur la stratégie conventionnelle sera posé lors de la prochaine assemblée générale annuelle de notre syndicat, le 28janvier, précise le président Claude Bronner. A mon avis, une signature ne serait pas illogique, mais nous devons d’abord poser la question aux médecins et à nos partenaires de l’intersyndicale.»
Concerné au premier chef, MG-France, qui réunira prochainement son comité directeur, ne balaie pas l’hypothèse d’un revers de main. «Le débat n’a pas été formalisé, mais la question se pose effectivement, admet le Dr Thierry Lebrun, premier vice-président du syndicat. Le coup de Jarnac de l’amendement Vasselle sur le droit d’opposition a tout changé. En dehors (de la convention) , on n’existe pas trop. Attention, je ne dis pas qu’on va signer; et si la décision est prise, il faudra bien choisir le moment et expliquer contre quoi car c’est forcément donnant-donnant.»
Du côté de la Fédération des médecins de France (FMF), où le débat sur la signature de la convention est «latent depuis deux ans», de l’aveu même du président Jean-Claude Régi, la prudence reste de mise. «La proposition de rejoindre la convention n’a pas été mise officiellement à l’ordre du jour», affirme-t-il. Mais le bureau de ce syndicat historiquement conventionniste se tiendra le 20 anvier et le Dr Régi n’écarte pas l’idée de discuter «en concertation avec nos partenaires» d’une nouvelle marche à suivre pour les prochains mois. «Pour l’instant, je reste convaincu qu’il est plus utile et plus efficace de combattre de l’extérieur pour défendre nos idées, analyse-t-il. En rejoignant le système, on perdrait sans doute notre force: quoi que certains disent, il est presque impossible de changer les choses de l’intérieur. Si vous refusez un avenant, vous vous mettez hors du coup.»
C’est pourtant cette stratégie «un pied dedans, un pied dehors» qui fut choisie l’an dernier par le Syndicat des médecins libéraux (SML) : bien qu’il soit signataire de la convention, le SML avait refusé de parapher l’avenant n° 12 sur le C à 21 euros, le 3 mars 2006, accord que ce syndicat avait alors jugé «déséquilibré» (les médecins s’engageant à 1,4 milliard d’euros d’économies sur deux ans). Une décision qui avait jeté le trouble dans la profession et dont le SML n’avait pas recueilli les fruits lors des élections professionnelles du printemps.
Pour Jean-Paul Hamon, chef de file des généralistes de la FMF, longtemps avocat d’une signature conventionnelle, «on ne se met pas en dehors [de la convention] pour le plaisir, mais il serait débile d’adhérer maintenant, vu le peu d’engagements des pouvoirs publics à notre égard». «Pourquoi leur faire ce cadeau?» ajoute-t-il.
Du côté de la FMF, beaucoup jugent que la priorité est de faire avancer des dossiers concrets (évaluation des pratiques professionnelles, DMP, transmission des données), grâce au relais des unions régionales de médecins libéraux (Urml) et de la nouvelle Union nationale des médecins libéraux (Unml), gérée par les opposants. Selon un responsable FMF, «ceux qui veulent intégrer la convention restent minoritaires». Malgré la manne financière qui accompagne toute signature.
Pragmatisme.
Au sein de l’Union collégiale, enfin, on trouve également des partisans d’une stratégie d’adhésion. Pour le Dr Jean-Gabriel Brun, délégué général du syndicat et chef de file de la branche chirurgicale, un retour «pragmatique» à la case conventionnelle serait plus efficace qu’une opposition systématique jugée «stérile» pour défendre les intérêts des spécialistes de plateaux techniques lourds. Comment y parvenir ? Le projet consiste cette fois à rejoindre le giron d’une organisation signataire, en l’occurrence le petit syndicat Alliance. Le Dr Brun affirme avoir engagé (à la tête d’un collectif de 30 élus de l’Union collégiale sur 48) un processus de rapprochement avec Alliance qui aboutira «dans les prochaines semaines».
On le voit : chacun, à sa place, réfléchit au meilleur positionnement possible pour promouvoir ses idées ; dans ce climat de bouillonnement, une recomposition du paysage syndical et conventionnel ne doit pas être exclue à brève échéance.
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