BANNIS du continent européen depuis 1997, les poulets américains désinfectés dans une solution antimicrobienne (dioxyde de chlore, chlorure de sodium acidifié, phosphate trisodique, acides peroxydés), pour détruire leurs salmonelles et leurs campylobacters, pourraient être à nouveau commercialisés. Du moins est-ce la proposition faite par la Commission européenne, qui l'assortit d'une exigence d'étiquetage : le gallinacé américain devrait être identifié par les mentions : « Traité avec des substances antimocribiennes », ou encore « Décontaminé par des produits chimiques ». Les Américains devraient, en outre, rincer à l'eau potable les carcasses, après le bain, et l'efficacité de ce rinçage devrait faire l'objet d'une procédure de vérification. À l'appui de ce projet, Bruxelles excipe d'un avis de l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), rendu en date du 6 décembre 2005 par le groupe scientifique sur les additifs alimentaires, arômes, auxiliaires technologiques et matériaux en contact avec les aliments (AFC). Un avis qui met à jour un précédent avis rendu le 14 avril 2003 par le comité scientifique des mesures vétérinaires en rapport avec la santé publique (SCVPH). «Les recherches n'ont permis de déceler aucune présence de produit de réaction», conclut l'AFC : pas d'halométhane, pas de substances organiques chlorées, pas de semicarbazide. En outre, les analyses n'ont détecté aucun effet sur l'état d'oxydation des acides gras des carcasses de volailles, après traitement par immersion dans du chlorure de sodium acidifié. Le traitement à l'américaine ne «poserait donc aucun problème au niveau de la sécurité alimentaire dans les conditions d'utilisation décrites (lavage suivi de cuisson) ».
Ce certificat d'innocuité s'assortissait toutefois de deux recommandations : le fait de pulvériser les solutions réduirait une éventuelle exposition aux résidus et aux sous-produits, en comparaison avec les traitements par trempage et immersion. Et l'utilisation de solutions antimicrobiennes ne saurait remplacer la nécessité de bonnes pratiques en matière d'hygiène au cours du traitement des carcasses.
En France, l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) se montre plus circonspecte. Dans un avis rendu le 20 mars 2007, elle estime que la situation de prévalence de Salmonella et Campylobacter sp. dans les filières avicoles ne justifie pas le recours au traitement antimicrobien. Et en ce qui concerne le développement de mécanismes de résistance aux substances chimiques par les bactéries, elle considère que les preuves ou les données actuelles sont insuffisantes pour conclure.
Une certaine idée de la sécurité alimentaire.
Le 19 juin 2007, dans un nouvel avis, l'AFSSA concluait que les traitements physiques ou chimiques ne doivent pas se substituer aux bonnes pratiques d'hygiène dans les filières.Parmi les associations de consommateurs, d'agriculteurs et de défenseurs de l'environnement, le ton monte après l'annonce du projet de la Commission de Bruxelles. Les ministres européens aussi se fâchent. «C'est une décision totalement erronée», tempête le ministre allemand Horst Seehofer. Son homologue français n'est pas moins intransigeant : «Les Américains peuvent avoir le modèle alimentaire qu'ils veulent, on n'est pas obligé de le transférer en Europe, et, donc, nous nous opposerons à cette idée», annonce Michel Barnier, qui juge qu'« il en va d'une certaine idée de la qualité alimentaire.»
Et de la sécurité : de nouveaux avis scientifiques devraient être demandés aux experts. Il s'agit en particulier de vérifier si le traitement chimique ne risque pas d'entraîner l'augmentation de la tolérance à certaines bactéries.
Le Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CP-CASA) devrait statuer à Bruxelles dans les tout prochains jours. Avant le sommet UE/États-Unis prévu le 10 juin en Slovénie, et auquel doit participer le président George W. Bush.
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