DEPUIS la parution du décret du 22 septembre, les 20 000 policiers municipaux, à condition de bénéficier d'une autorisation individuelle et d'avoir suivi une formation appropriée, peuvent être dotés de l'arme de quatrième catégorie Taser X26. Comme leurs collègues gendarmes et membres de la police nationale, qui ont commencé à l'utiliser en 2004, ils pourront tirer sur une personne, en fonction des circonstances, en lui administrant, à l'aide de deux électrodes, une décharge de 50 000 volts avec une intensité de 2 milliampères, pendant une période d'une à cinq secondes au maximum. Comme le souligne un membre du Conseil de l'Ordre des médecins, l'innocuité du PIE reste à démontrer. Interrogé par « le Quotidien », le ministère de l'Intérieur confirme d'ailleurs que des études sont toujours en cours pour évaluer l'innocuité du Taser, dont les conclusions sont attendues. Quelles études ? Le ministère ne fournira aucune précision. Pour sa part, la firme Taser a mis en ligne sur son site une rubrique médicale où l'on peut prendre connaissance de deux études : « Implications cliniques de l'utilisation du Taser » et « Deux armes non létales en France, le Flashball et le Taser X26 », toutes deux publiées par « La Revue des SAMU, médecine d'urgence » (septembre 2007, XXIX : 291-4). La firme estime que ces articles confirment l'innocuité de leur produit «lorsque les précautions d'utilisation sont strictement respectées». En fait, la première étude conclut que «l'incidence de l'utilisation de l'arme et de ses victimes est vouée à augmenter, nécessitant une adaptation de nos pratiques urgentistes pour ne pas surestimer la gravité, ni sous-estimer les implications cliniques. Les complications doivent donc être connues pour une prise en charge optimale» .
Coauteur de la seconde étude, le Dr Cédric Houssaye souligne pour sa part « le caractère très peu lésionnel du PIE. Pour autant, ajoute-t-il, les dommages peuvent être occasionnés par la zone d'implantation des deux dards, par exemple s'ils atteignent un oeil. D'autre part, l'électrisation du patient provoque une tétanie paralysante réversible avec chute. Les lésions possibles sont alors variées, comme avec n'importe quelle chute.». Aux États-Unis, plusieurs publications ont été consacrées à l'évaluation du risque de fibrillation ventriculaire (FV) ou de troubles du rythme provoqué par le Taser, à partir d'expérimentations faites sur l'animal (chiens et porcs). Elles concluent à l'innocuité cardiaque. Une interaction entre Taser et pacemaker a toutefois été rapportée chez un patient : deux épisodes de captures ventriculaires rapides concomitants au choc électrique ont été enregistrés, sans conséquences cliniques ni électrophysiologiques ultérieures (« J Forensic Sci » 1997 ; 42 : 25-31).
290 morts.
Aux États-Unis encore, Amnesty International estime cependant à plus de 290 le nombre des personnes décédées depuis 2001 après avoir été touchées par un pistolet électrique. L'association réclame un «moratoire» sur l'utilisation du Taser tant qu'une «enquête approfondie et impartiale n'aura pas été menée». Elle est rejointe par le député Verts Noël Mamère et le porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) Olivier Besancenot.
En attendant, la recherche emprunte parfois des canaux inattendus. Dimanche, TF1 devrait diffuser une expérience tournée dans un jardin : deux tirs sont effectués sur deux volontaires (une femme policier et un jeune homme) sur lesquels le Dr Marc Fontaine avait posé des électrodes. Tous deux se raidissent et poussent des hurlements. La femme qualifie la douleur d' «épouvantable». Mais le tracé de leurs ECG pendant la décharge n'a pu être enregistré comme prévu, le choc électrique ayant éteint le microprocesseur de l'électrographe. Lorsqu'il a été rallumé 17 secondes après le tir, le rythme cardiaque s'élevait à 180 chez le jeune homme, et a retrouvé son niveau habituel une minute plus tard. Sans contester l'augmentation potentielle du risque de spasme coronarien chez des sujets présentant des dysplasies du ventricule et autres malformations, le Dr Fontaine juge que «la létalité du Taser reste sans commune mesure avec celle d'une arme à feu, mortelle dans 50% des cas d'utilisation».
« Sans incident » en 2006 et 2007
Quatre mille six cent quinze Taser sont actuellement en service dans la gendarmerie et la police. Les 2 620 Taser de la gendarmerie ont fait l'objet de 105 utilisations en 2006, 170 en 2007 et 271 depuis le début de l'année, toujours «sans incident», selon la direction de la gendarmerie. Le Taser a permis de réduire de 15 % l'usage des armes à feu chaque année.
Côté police nationale, les 1 995 Taser en service ont été utilisés 110 fois «sans incident» en 2007, d'après la direction de la police nationale.
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