L E dispositif de créations d'emplois-jeunes, dont Elisabeth Guigou a annoncé la consolidation et la prolongation, joue un rôle social assez important pour qu'on en fasse le bilan, plus de trois ans après sa naissance.
Le gouvernement avait prévu de créer 350 000 emplois-jeunes sur une période allant de la fin de 1997 à la fin de l'année 2006, et pour un financement global de 135 milliards de francs. Le programme devait donc coûter moins de 14 milliards de francs par an. A ce jour, il a créé 272 000 emplois dont ont profité 312 000 personnes dont l'âge est compris entre 18 et 30 ans. Si on compte plus de bénéficiaires que de postes de travail créés, c'est parce que l'emploi-jeune est conçu comme un ultime recours pour le jeune chômeur : dès qu'il trouve un emploi fixe, dans le privé ou dans le public, il laisse sa place à un jeune chômeur.
Dix mille de plus
Mme Guigou a déclaré qu'elle créerait 10 000 emplois de plus que prévu dans les années 2001, 2002 et 2003 et que le financement total du système serait augmenté de 40 milliards de francs. Soit, sur une décennie, 175 milliards pour 360 000 postes de travail que l'on doit considérer comme temporaires puisqu'ils sont censés assurer seulement la transition vers la vie active.
Le système semble avoir fonctionné : à l'Education nationale, 85 000 aides-éducateurs sont passés par le dispositif, mais près de 20 000 l'ont quitté pour un emploi (51 % dans les entreprises, 19 % dans le secteur public et 30 % pour des raisons diverses, dont le retour aux études).
Cela signifie néanmoins que 80 % des aides-éducateurs sont restés dans le système et n'ont pas reçu d'offres d'emploi ailleurs. S'il est bon que des chômeurs aient pu commencer leur vie active grâce aux emplois-jeunes, la question va se poser pour tous ceux qui n'ont pas encore réussi à sortir du dispositif et dont la carrière assistée risque de se prolonger ou de déboucher une nouvelle fois sur le chômage, s'ils sont remplacés par de plus jeunes qu'eux.
On doit tempérer cette évaluation en tenant compte du fait que le plan emplois-jeunes n'a pas encore quatre ans et que les passages à la vie active seront de plus en plus nombreux au fur et à mesure que se poursuivra son application. En outre, le dispositif permet aux bénéficiaires d'acquérir une expérience professionnelle souvent exigée par les entreprises, même de ceux qui se présentent pour la première fois sur le marché de l'emploi.
Un quart des emplois créés
Cependant, le caractère volontariste et donc en quelque sorte « artificiel » du programme tempère les résultats obtenus en matière de réduction du chômage : sur le million d'emplois créés en France en trois ans, près d'un quart ont été financés par le gouvernement et non par la croissance. On ne saurait négliger l'impact social et humain du système : pour de très nombreux jeunes, il aura permis d'échapper aux angoisses du chômage précoce, du non-démarrage de leur carrière, avec les conséquences morales qu'on imagine sans peine.
Rien ne dit toutefois que, si on avait consacré chaque année, pendant dix ans, 14 milliards à des incitations à l'embauche sous des formes diverses (dégrèvements fiscaux ou réduction des charges sociales), on n'aurait pas obtenu des résultats identiques ou meilleurs.
Le gouvernement, dont on connaît les idées en la matière, a préféré une approche sociale et directe du chômage des jeunes. Il est inutile de revenir sur le débat qui oppose la majorité à l'opposition sur ce thème. On retiendra néanmoins l'idée que les programmes sociaux fonctionnent bien en période de forte croissance ; quand l'économie ralentit, les ressources fiscales diminuent ou stagnent. De sorte que les fonds manquent ou que le déficit budgétaire s'accroît au moment précis où l'on souhaite créer un plus grand nombre d'emplois dits sociaux.
Or nous sommes ou serons bientôt dans ce cas de figure, ce qui n'a pas empêché le gouvernement d'augmenter le budget alloué aux emplois-jeunes. Le ministre de l'Economie, Laurent Fabius, a reconnu, pour la première fois cette semaine, la réalité du ralentissement économique. Il n'a pas empêché Elisabeth Guigou d'annoncer de nouvelles dépenses alors qu'il cherche par tous les moyens possibles à contenir le déficit budgétaire.
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