Par les Drs Minh-Huyên Nghiem-Buffet et Gilles Chaine*
La chirurgie de la cataracte est l'intervention (Kc > 50) la plus pratiquée en France (400 000 interventions par an). L'évolution des techniques, notamment avec l'utilisation de la phacoémulsification, a considérablement simplifié les suites opératoires et a modifié la prise en charge des patients, en permettant la chirurgie ambulatoire. Si l'intervention de la cataracte est bien standardisée, son coût est, en revanche, mal connu. Nous nous sommes donc proposés d'évaluer les coûts médicaux de la prise en charge de la cataracte selon l'une des deux modalités existantes, l'hospitalisation traditionnelle et la chirurgie de jour ou chirurgie ambulatoire, afin de mettre en évidence d'éventuelles différences (1).
Cette étude s'inscrit dans une étude de minimisation des coûts, c'est-à-dire qu'elle compare deux actions dont l'efficacité est identique (2, 3). Elle a été réalisée dans trois services d'ophtalmologie des hôpitaux de la région parisienne. Dans ce travail rétrospectif, les dossiers, obtenus par tirage au sort, de 250 patients âgés de plus de 65 ans et opérés de la cataracte en 1999 (100 opérés en chirurgie de jour et 150 en chirurgie traditionnelle) ont été analysés.
En chirurgie traditionnelle, les patients passent une ou deux nuits à l'hôpital. En chirurgie de jour, ils entrent le matin et sortent le soir même de l'intervention, mais ils doivent consulter leur médecin le lendemain matin. Dans les deux cas, le contrôle postopératoire est effectué autour du huitième jour postopératoire.
L'évaluation des coûts a concerné les coûts hospitaliers directs, c'est-à-dire à l'ensemble des dépenses engagées par l'hôpital pour la chirurgie de la cataracte par la technique de phacoémulsification avec implantation d'un cristallin artificiel (à partir de la consultation initiale jusqu'à la consultation du huitième jour).
Evaluer le coût moyen total du séjour selon le type de prise en charge
Cette évaluation économique a donc pris en compte la consultation et le bilan préopératoires (examens complémentaires et consultation d'anesthésie), la chirurgie elle-même, avec les frais de bloc opératoire (consommables, matériel, incluant entretien et amortissement, personnel), les frais d'hospitalisation (médicaments, examens, consommables, personnel) et les frais de structures (frais généraux de fonctionnement de l'hôpital : administration, chauffage et climatisation, services techniques, etc.), puis la consultation postopératoire.
Les dépenses de ces différents postes ont été calculées à partir de la comptabilité analytique des établissements, nous donnant le coût unitaire de chaque ressource, humaine et matérielle.
Le coût moyen total de l'intervention de la cataracte a été déterminé par établissement et par modalité de prise en charge, ce qui nous a permis ensuite de calculer un coût moyen total du séjour par modalité.
Ce coût moyen est de 798 euros en hospitalisation traditionnelle et de 558 euros en chirurgie de jour. La répartition des dépenses est présentée dans le tableau 1.
La prise en charge de la cataracte en chirurgie de jour apparaît donc moins coûteuse, en termes de coût hospitalier direct.
La différence concerne essentiellement les dépenses de structures, correspondant aux frais généraux de fonctionnement de l'hôpital, et les dépenses de personnel d'hospitalisation.
La chirurgie ambulatoire est plus économique
Celles-ci constituent une grande partie des frais fixes de l'hôpital et varient peu en fonction de l'activité. En revanche, elles nécessitent une activité minimale pour être amorties. C'est en réduisant la durée d'hospitalisation que la chirurgie de jour permet de diminuer ces frais. Réduire les dépenses de personnel, qui représentent en définitive la part la plus importante des coûts, ne peut s'entendre qu'en améliorant la productivité.
Les frais variables correspondants aux frais de consommables sont pratiquement identiques pour les deux types de prise en charge. La diminution des prix de ces consommables pourrait permettre de réduire de façon marginale le coût moyen de la cataracte.
Enfin, nos résultats sont assez proches des données officielles fournies par l'échelle nationale des coûts 2000 par groupes homogènes de malades (GHM), échelle construite à partir des données PMSI 1998.
Les frais hospitaliers ne représentent qu'une partie des dépenses
Elle donne un coût total de 849 euros pour le GHM 051, intervention sur le cristallin avec ou sans vitrectomie, et de 594 euros pour le GHM 762, intervention sur le cristallin avec ou sans vitrectomie en hospitalisation de jour.
La chirurgie de jour est donc à l'origine d'un coût moindre pour les établissements hospitaliers. Cependant, cette étude n'a considéré que les coûts hospitaliers directs, qui ne constituent qu'une partie des dépenses induites par la chirurgie de la cataracte. En effet, il reste à déterminer si la chirurgie de jour est responsable de transferts de charge de l'hôpital vers les patients et les familles. En outre, le choix de la modalité d'hospitalisation doit probablement tenir compte des caractères sociaux et démographiques des patients.
Il serait donc déraisonnable de se fonder sur les seuls résultats de cette étude pour privilégier de façon autoritaire un mode de prise en charge, comme cela a pu être réalisé dans d'autres pays.
La chirurgie de jour sera certainement amenée à se développer en France dans les prochaines années, entraînant alors une transformation des pratiques médicales et de l'organisation. Ce développement ne devrait pas sacrifier pour autant l'hospitalisation traditionnelle qui doit certainement garder une place dans la pratique de l'ophtalmologie.
* Service d'ophtalmologie, hôpital Avicenne, Bobigny.
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