Ils sont toujours aussi mal gérés, mais plus utiles que jamais ! En condensé, voilà le constat que pose l’Inspection générale des affaires sociales à propos des 1220 centres de santé dont un tiers a vocation médicale. Le rapport de l’IGAS, rendu public le 23 juillet, avait été commandé en novembre dernier par Marisol Touraine. Une ministre de la santé, visiblement intéressée par le recours que peuvent représenter ces alternatives à la médecine libérale de ville, en période de crise de la démographie médicale, mais interpellée aussi par les difficultés financières rencontrées par nombre de ces structures.
Une bonne réponse au bon moment
Pour les inspecteurs de l’IGAS, pas de doute : les centres de santé, quoique héritiers des dispensaires d’autrefois, sont une bonne réponse aux problèmes de l’offre de soins ambulatoires du XXIe siècle. Le rapport observe, que, même s’ils ne représentent que 2,4% des dépenses de santé ambulatoires, ces structures sont particulièrement présentes dans les zones défavorisées ou dans lesquelles la couverture en médecine de ville est moins dense qu’ailleurs. Ainsi, 8,3% des remboursements d’honoraires de la Cpam du 93 y sont liées, ainsi que 15% des actes médicaux effectués à Paris. A Grenoble, cela représente 9% des médecins et 9% des patients de l’agglomération, mais jusqu’à 50% des assurés en ZUS ! Citant également les études de l’IRDES, l’IGAS observe que, d’une manière générale, les patients vus par un généraliste en centres de santé ont en moyenne un profil nettement plus défavorisé, que ceux vus par un confrère libéral. Au total, le rapport remis à Marisol Touraine préconise donc aux pouvoirs publics « d’assurer leur pérennité » au regard de leur « utilité sanitaire et sociale ».
Déficits chroniques
L’IGAS reconnaît pourtant que rien ne permet de trancher sur la performance de ces structures en termes médico-économiques et insiste beaucoup sur l’insuffisance de leur gestion : plages d’ouverture trop restreintes, plannings de consultation pas optimaux, gestion des rendez-vous erratique, personnel administratif trop abondant… Au final, si l’on en croit trois audits diligentés entre 2010 et 2012 par la mairie de Paris, l’ARS Ile-de-France et la Mutualité Française, entre les deux tiers et 80% des centres de santé n’arriveraient pas à équilibrer leur budget. La mission de l’IGAS relève que des méthodes de gestion un peu plus actives sont apparues ces dernières années, mais il reste, selon les inspecteurs, beaucoup de progrès à faire.
Problème de management, mais aussi inadaptation aux centres de santé des règles du jeu libérales. Ils sont financés par le paiement à l’acte, alors que leurs praticiens, salariés, en réalisent moins qu’en libéral. La participation de la Sécu aux cotisations des médecins salariés ne correspond qu’à 11% de leur rémunération contre 18% du revenu d’un généraliste libéral. Quant à « l’option de coordination » dont ils peuvent bénéficier -dotation forfaitaire prévue depuis l’accord national de 2003- elle est si lourde à gérer que la plupart des centres de santé médicaux préfèrent ne pas la solliciter…
Dotations à revoir complètement
Au total, l’IGAS plaide pour une refonte complète de la dotation de la Sécu aux centres de santé. L’Inspection suggère de forfaitiser davantage la rémunération de ces structures, qui dépendraient alors moins du paiement à l’acte que les auteurs du rapport jugent inadapté. Ils insistent pour que le coût du tiers payant – de règle dans ce cadre- soit désormais pris en charge par les caisses. Et ils plaident pour que la rémunération des praticiens soit en partie fonction de leur activité et pas uniquement à la vacation.
Au passage, le rapport demande que les centres de santé soient intégrés à la permanence de soins et puissent accueillir des étudiants en médecine en formation. Et, pour mieux connaître ce monde « fragmenté, méconnu et fragile », il conseille de développer un « observatoire des centres de santé », incluant bases de données exhaustive, études de fonds et diffusion de bonnes pratiques. Entre les lignes, les rapporteurs plaident pour une relance de la dynamique des centres de santé. Mais, prudents, ils n’abordent guère la question d’une extension de la médecine salariée par ce biais, un engouement que l’on constate pourtant depuis quelques mois. Ils ont néanmoins inclus dans leurs visites le récent centre de santé de la Ferté-Bernard dans la Sarthe, qui avec deux médecins seulement « s’apparente pour l’instant davantage, selon eux, à un petit cabinet médical qu’à un centre de santé polyvalent… »
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