LA CONVENTION continue de susciter des remous, mais cette fois-ci, c'est le président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) qui fait des vagues. Dans la dernière lettre de la Carmf qui accompagne l'appel de cotisations envoyé à 120 000 médecins, le Dr Gérard Maudrux écrit que la nouvelle convention signée le 12 janvier est un « chef-d'œuvre de complexité administrative peu lisible et inefficace quant aux objectifs ». Le président de la Carmf affirme entre autres qu'il n'y « voit rien (...) qui soit de nature à améliorer la mauvaise ambiance et la déprime actuelle de la profession, au contraire ».
Cet éditorial du Dr Maudrux a fait bondir les leaders de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf) et du Syndicat des médecins libéraux (SML), signataires de la convention avec Alliance. Interrogé par « le Quotidien », le président du SML pense que Gérard Maudrux mérite « un carton jaune, voire un carton rouge ». Le Dr Dinorino Cabrera lui reproche la « désinformation orientée » ainsi que « la confusion des genres » créées par cette lettre d'information de la Carmf, compte tenu de son mode de financement institutionnel.
Le président de la Csmf fait part aussi de son étonnement après avoir lu ce « tract portant un jugement très personnel », dans un courrier adressé au Dr Maudrux. Et cela d'autant plus que le président de la Carmf a omis de mentionner qu'il « est par ailleurs et actuellement membre éminent du syndicat FMF » (Fédération des médecins de France, dont l'assemblée générale devait se prononcer sur la convention le week-end dernier). « Les médecins ne vous ont pas élu pour une action syndicale ou politique, mais pour gérer leurs intérêts en matière de retraite », écrit le Dr Michel Chassang. En guise de conclusion, le président de la Csmf invite le Dr Maudrux à exprimer sa position avec « les fonds et le papier à en-tête de (son) syndicat » ou à « créer un nouveau syndicat professionnel ».
Ces arguments laissent cas de marbre le président de la Carmf, qui rappelle qu'il est « vice-président de l'Union des chirurgiens de France (mais) simple adhérent de la FMF ». « C'est aux confrères qui m'ont élu de décider si je dois continuer ou non dans cette voie-là », rétorque le Dr Maudrux. « J'ai non seulement le droit mais le devoir de m'interroger sur les conséquences de la convention sur les différents régimes et la démographie : c'est ce que j'ai fait. »
Au-delà de la polémique politico-syndicale, les conséquences économiques de la convention sont plutôt bonnes pour deux régimes de retraite sur trois. En effet, les revalorisations tarifaires de 2005 prévues par l'accord conventionnel (forfaits pour les médecins traitants, majorations de certaines consultations, extension du C2 de consultant...) vont mécaniquement augmenter, à partir de 2007 (1), les cotisations au régime de base et au régime complémentaire, puisque celles-ci sont proportionnelles aux revenus nets des médecins. Le Dr Maudrux le reconnaît volontiers d'ailleurs : « On prévoyait 1,7 % de croissance pour les cotisations [en raison du seul effet volume des actes, Ndlr] , on sait maintenant qu'on sera au-dessus. On est content. » C'est la démographie - car « rien n'est fait dans la convention pour inciter à l'installation » - et, surtout, le sort de l'Allocation supplémentaire de vieillesse (ASV) qui rend pessimiste le président de la Carmf. Dans le régime ASV (qui relève des partenaires conventionnels et apporte 39 % de la retraite totale des médecins conventionnés), la cotisation de chaque médecin est calculée en fonction de la valeur du C, laquelle est restée fixée à 20 euros. Par conséquent, souligne Gérard Maudrux, « la cotisation globale est inchangée, avec une diminution pour les spécialistes de secteur I qui bénéficieront du même taux de participation des caisses d'assurance-maladie [à 66,66 %, Ndlr] que les généralistes ».
Le régime de l'ASV, que le président de la Carmf souhaite fermer depuis 2000, fait l'objet d'une enquête de la Cour des comptes, mais son sort n'a pas été abordé par le dernier texte conventionnel. Cependant, le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) a récemment parlé d'une hausse éventuelle des cotisations à l'avenir pour rééquilibrer le régime (« le Quotidien » du 26 janvier).
(1) Le calcul des cotisations se fonde sur les revenus libéraux nets de l'année n-2. A noter : depuis la loi Fillon de 2003, le calcul de la cotisation au régime de base est provisoire, avant d'être ajusté deux ans plus tard en fonction des revenus réels de l'année n.
Le Cnom souhaite une « amélioration » du texte
Le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) s'est réuni en session les 27 et 28 janvier pour « étudier la conformité des textes de la convention ». Certes, le Cnom se « félicite » en préambule de la mise en place d'un parcours de soins coordonné, « gage de qualité des soins et d'une maîtrise médicalisée des dépenses de santé ».
De même, selon le Cnom, le médecin traitant « devient le pivot d'un dispositif respectueux du libre choix et son rôle est valorisé ».
Mais il s'inquiète « de la complexité des mesures contenues dans la convention ». Pis, le système, qualifié de « proche du labyrinthe », est également jugé « rigide », et peut se révéler « inadapté aux réalités de la démographie médicale ». Si bien que le Cnom invite l'ensemble des organisations professionnelles à « améliorer la convention dans les semaines et les mois qui viennent », et invite l'Uncam à « faire confiance aux médecins et à leur déontologie, notamment pour favoriser l'accès aux soins, sans mettre en place un encadrement administratif et une surveillance tatillonne qui s'éloigneraient des objectifs de la réforme ». Enfin, le Cnom indique que « l'importance des tâches confiées au médecin traitant et son rôle primordial dans la tenue du dossier médical personnel (DMP) devront également être mieux pris en considération ».
> HENRI DE SAINT ROMAN
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