Un homme politique est un peu comme la jeune fille de Stendhal : ce qu'il a de plus précieux, c'est sa réputation. Le cas de Dominique Strauss-Kahn montre que la justice peut causer à un membre du gouvernement un mal irréparable quand elle l'inculpe précipitamment sur la base d'un dossier mal ficelé.
L'ancien ministre de l'Economie et des Finances a dû quitter le gouvernement en 1999 à la suite des accusations dont il faisait l'objet dans diverses affaires : il avait une secrétaire payée par Elf, il avait touché des honoraires suspects de la MGEN (la mutuelle des étudiants), il détenait une copie (désormais introuvable) de la fameuse cassette dans laquelle Jacques Chirac est accusé de corruption.
Sur l'affaire Elf, un non-lieu est intervenu. Le procès de la MGEN donne lieu, dans l'enceinte d'un tribunal correctionnel, à un débat surréaliste où la présidente elle-même s'indigne du manque de crédibilité des accusations formulées par le Parquet. Il ne reste plus que la cassette.
Entre-temps, la carrière de M. Strauss-Kahn, dont personne, ni à droite ni à gauche, ne songe à nier ni le savoir ni les compétences, est à peu près ruinée. On voit, dans cette affaire, l'exemple d'une action judiciaire intempestive et mal conduite, caractérisée par la négation de la présomption d'innocence et du secret de l'instruction. S'agissant de M. Strauss-Kahn, le public savait tout « en temps réel », pour reprendre une expression à la mode, sauf qu'il en savait trop, y compris des mensonges, des calomnies et des incertitudes présentées, littéralement, comme des réalités irréfutables.
C'est scandaleux, non pas parce que M. Strauss-Kahn aurait dû bénéficier d'un préjugé favorable, mais parce que, de toute évidence, il n'a été impliqué et compromis qu'à cause d'une justice gloutonne, avide d'affaires médiatiques. Or il existe de nombreux cas confirmés de corruption dans la classe politique, et l'opinion s'en désole. On voudrait bien que la consternation nationale ne soit pas aggravée par des scandales inexistants.
Objectivement, Dominique Strauss-Kahn a été gravement lésé, tout simplement parce que ce n'est pas un inconnu et que la moindre critique adressée à son comportement personnel lui nuit profondément. On veut espérer que son honnêteté sera reconnue par tous les Français et qu'il pourra continuer sa carrière là où il l'a laissée il y a deux ans.
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