Arts
L'après-guerre de 1918 voit l'émergence d'une toute nouvelle conception de la vie, marquée par une certaine énergie qui se confond avec une grande confiance accordée aux progrès de la technologie. Alors même que certains artistes, dont Picasso, affichent un retour à l'ordre (Cocteau s'en fait le chantre), Amédée Ozenfant, Charles-Edouard Jeanneret (plus connu sous le nom du Corbusier) et Fernand Léger militent pour un art guidé par le souci de rigueur.
Ils prennent le relais de ce que fut le cubisme en sa phase ultime, mais refusent son « aspect ornemental abstrait et hermétique », qui, selon eux, « a détruit la forme ».
Modernes d'intention, théoriciens, ils s'en tiennent cependant curieusement, dans leur expression plastique, au monde de l'inerte et en particulier à la nature morte. C'est qu'ils partagent une admiration commune pour Poussin, les frères Le Nain, Ingres, Cézanne et Seurat. Un art élaborant un nouveau langage fortement dominé par l'intellect et refusant les excès de l'émotion, de la sensation.
Leur travail est entouré d'une large production théorique qui passe par la publication de certains ouvrages, dont « Après le cubisme » (1918), mais surtout une revue qui devient « l'Esprit nouveau ». On y explore toutes les forces de la modernité et l'on y retrouve certains des concepts des futuristes italiens en mettant en parallèle et à égalité une automobile Voisin ou Delage avec les structures du Parthénon.
Un déplacement de l'art dans la vie qui va prendre avec Le Corbusier un sens radical lorsque, de la peinture de chevalet, il passe à l'architecture et à l'urbanisme. Sa peinture, proche de celle d'Ozenfant à ses débuts, se libère progressivement de la rigueur qui est celle du dessin industriel. De l'objet nommé, il ne reste bientôt plus que l'esquisse perdue dans des variations graphiques, des échappées, de complexes superpositions qui donnent du corps au dessin.
Léger,la ville et la machine
Plus que tout autre de sa génération, Fernand Léger était en mesure de comprendre cette aventure et de la partager. Il avait, dans le contexte effrayant des conflits armés, découvert la force des machines de guerre, la beauté « d'une culasse de 75 ouverte en plein soleil » et se situait dans le voisinage ambigu d'Apollinaire affirmant que « la guerre est jolie ». Fernand Léger, tout comme son ami Cendrars, est fasciné par la ville et la machine. Sa peinture absorbe les formes de cette modernité mais en recompose l'ordre - « J'organise l'opposition des valeurs, des lignes et des couleurs contraire » - et contrairement à ses amis Ozenfant et le Corbusier, il use d'une palette claironnante. Le mur l'attire, il y est presque abstrait. C'est bien l'esprit de cette peinture, appuyée sur cette réalité tangible et forte, qui invente peu à peu l'esthétique de l'abstraction.
On verra bientôt ces mêmes artistes se rejoindre dans de groupes actifs comme Abstraction-Création ou Cercle et Carré, qui, eux aussi, développent une théorie pour clarifier la notion d'un art qui soit à « l'air du temps » et que toute une génération partage.
C'est une passionnante ouverture sur le corps central de l'histoire de l'art du XXe siècle. On y fut enthousiaste, social et confiant en cette modernité qui va faire illusion jusqu'aux grandes crises des années 1930. Le Purisme et ses membres rejoignent alors les colonnes de l'Histoire et d'un passé qui fut glorieux.
« L'esprit nouveau : le Purisme à Paris, de 1918 à 1925 », Musée de Grenoble. Jusqu'au 6 janvier 2002. « Le Corbusier, peintre », Galerie Zlotowski, 20, rue de Seine, Paris-6e, jusqu'au 30 décembre.
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