LES ENTÉROCOQUES sont des bactéries commensales de la flore digestive. Deux espèces sont retrouvées chez l'homme, Enterococcusfæcalis et E. fæcium. Elles sont peu pathogènes, même si elles peuvent être parfois responsables d'infections urinaires, digestives et d'endocardites. En revanche, elles arrivent au cinquième rang des bactéries responsables d'infections associées aux soins, et provoquent des infections urinaires ou digestives.
Des souches d'entérocoques résistantes à l'amoxicilline sont apparues en France dans les années 1970. En raison de l'utilisation massive de certains antibiotiques, des souches résistant aux glycopeptides (ERG, pour entérocoques résistant aux glycopeptides, ou ERV pour entérocoques résistant à la vancomycine) ont été signalées en Angleterre et en France en 1987 et aux États-Unis en 1989-1990 (1, 2).
Ces bactéries, dont le pouvoir pathogène est faible, ont toutefois la capacité de transférer leur gène de résistance vers les autres bactéries multirésistantes aux antibiotiques, en particulier des staphylocoques dorés résistant à la méticilline (SARM), restés sensibles actuellement aux glycopeptides. En effet, les gènes de résistance, codés de VanA à VanB, sont localisés sur des transposons, ce qui rend possible leur transfert à d'autres bactéries à Gram positif. Ce transfert est ainsi susceptible d'induire l'apparition d'une impasse thérapeutique dans le cadre des infections staphylococciques sévères.
L'application des recommandations est une priorité.
Le contrôle de ce phénomène émergent constitue donc une priorité. La perception de sa gravité est rendue difficile du fait de la faible virulence des entérocoques. Ainsi, aux États-Unis, les infections par ERG sont endémiques dans les hôpitaux et l'échec de leur contrôle a été attribué à la diffusion trop tardive de recommandations, pourtant considérées comme efficaces, et à la difficulté de les appliquer à l'ensemble des établissements (3).
Alors que E.fæcalis représente de 85 à 95 % des isolats d'entérocoques, le phénomène de résistance acquise aux glycopeptides concerne essentiellement E.fæcium et le mécanisme de résistance van A (résistance de haut niveau vis-à-vis de la vancomycine et de la téicoplanine).
Les facteurs de risque de colonisation et d'infection par ERG ont été bien décrits. Les plus fréquemment en cause sont une durée prolongée d'hospitalisation, un séjour en réanimation, une transplantation d'organe, une hémopathie maligne et la pression de sélection des antibiotiques (4), auxquels il faut ajouter l'insuffisance rénale et l'hémodialyse, l'hospitalisation en oncologie, la présence de cathéters centraux et le grand âge (5).
Trois fois plus de signalements en 2007.
Aux États-Unis, les souches responsables d'infections liées aux soins ont ainsi constamment diffusé de la réanimation aux autres secteurs hospitaliers en quelques années. La situation en Europe est contrastée. En effet, la proportion des ERG parmi les bactériémies résistantes aux glycopeptides est supérieure à 20 % dans des pays comme le Portugal, la Grèce ou le Royaume-Uni, mais elle reste inférieure à 1 % dans les pays scandinaves. En France, la proportion de souches d'entérocoques résistant aux glycopeptides est restée stable jusqu'en 2003. Elle était de 1 à 2 % pour E.fæcium et inférieure à 0,5 % pour E.fæcalis. Depuis 2004, le taux de résistance a augmenté pour dépasser 5 % chez E.fæcium. Parallèlement, le nombre de signalements a également augmenté et concerne notamment des cas groupés de plus en plus nombreux. Des épidémies de grande ampleur ont été rapportées dans plusieurs établissements de santé en Auvergne, en Île-de-France et en Lorraine (6). Depuis 2005, les signalements font l'objet d'un suivi très étroit. De 2001 à 2008, 382 signalements ont été effectués par 157 établissements, en provenance des interrégions Est dans 51,3 % des cas et Paris-Nord pour 30 %. Mais, en 2007, le nombre de signalements a triplé par rapport à 2005 et 2006.
Le pronostic des infections à ERG, initialement considéré comme très sombre, semble actuellement également lié aux facteurs associés (notamment comorbidités, gestes invasifs, exposition aux antibiotiques). Une métaanalyse a néanmoins montré qu'il reste grave, l'infection par ERG étant associée à la mortalité avec un risque relatif de 2 à 4 (7).
L'application stricte des mesures de lutte contre la transmission croisée des bactéries multirésistant aux antibiotiques s'impose donc. Il en va de même de la préconisation du bon usage des antibiotiques et de la surveillance des consommations d'antibiotiques à l'hôpital. Le problème du signalement entre les différents établissements de santé reste cependant un élément clé et non résolu (8).
D'après un entretien avec le Pr Benoît Guery, service de gestion du risque infectieux et des vigilances, hôpital Albert-Calmette, Lille.
(1) Leclercq R et coll. Plasmid-mediated resistance to vancomycin and teicoplanin in Enterococcus faecium. N Engl J Med 1988;319:57-61. (2) Murray BE. Vancomycin-resistant enterococcal infections. N Engl J Med 2000;342(10):710-21.
(3) Mc Gowan JE. Debate-Guidelines for control of glycopeptide-resistant enterococci (GRE) have not yet worked. J Hosp Infect 2004;57:281-4.
(4) Rice LB. Emergence of vancomycine-resistant Enterococci. Emerg Infect Dis 2001;2:183-7.
(5) Lucet JC et coll. Les entérocoques résistants aux glycopeptides (ERG) : situation épidémiologique, mesures de contrôle actuelles et enjeux à venir. BEH 2008;41-42:386-90.
(6) Leclercq R et al. Les entérocoques résistants aux glycopeptides : situation en France en 2005. BEH 2006;13:85-92.
(7) Salgado CD, Farr BM. Outcomes associated with vancomycine-resistant enterococci : a meta-analysis. Infect Control Hosp Epidemiol 2003;24:690-8.
(8) Guéry B et coll. Liste informatisée et épidémie de bactéries multirésistantes. Med Mal Infect 2008;38:564-5.
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