BIEN QUE LES LIENS entre pathologies et environnement soient difficiles à établir (sauf pour l'amiante, dont les particules sont bien identifiables), de fortes présomptions incitent à établir un lien entre les modifications de notre mode de vie et un certain nombre de pathologies.
La formation des médecins sur ce sujet est urgente, mais il importe d'intéresser les enfants à ces questions dès leur plus jeune âge, en intégrant à la fois les questions d'hygiène et de respect de l'environnement dans le cursus scolaire complet, adapté à chaque niveau d'étude.
Pour Corinne Lepage, l'alimentation est la question centrale des pathologies environnementales avec, en premier lieu, l'obésité, une épidémie qui touche un grand nombre de personnes et a des conséquences sur les conditions de vie et l'économie.
L'utilisation des pesticides est aussi un problème majeur. Le lien avec certains cancers et certaines maladies dégénératives semble établi. En 2006, une étude américaine a montré une augmentation de 70 % de la fréquence de la maladie de Parkinson chez les agriculteurs. Les effets des pesticides sur la fécondité sont de plus en plus évoqués chez les personnes qui manipulent des produits agroalimentaires. Il y a de quoi s'inquiéter quand on sait que la France est le premier pays utilisateur de pesticides en Europe et que les nappes phréatiques et les rivières sont polluées à 70 % ; les produits maraîchers, par conséquent, contiennent des pesticides à la limite des doses maximales admises. Pour Corinne Lepage, «diminuer de 50% l'écotoxicité des produits utilisés serait bénéfique pour la santé et l'économie». Très prochainement, la MSA (Mutualité sociale agricole) va lancer une étude portant sur 600 000 personnes, ce qui devrait permettre de mieux apprécier les liens entre pesticides et certaines pathologies.
Enfin, en ce qui concerne les produits chimiques, si l'Union européenne a adopté le règlement Reach, un certain nombre de dispositions ne sont pas applicables avant 2018, une échéance trop lointaine. Il semble donc souhaitable de prendre en compte la CMR (liste des substances cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction) pour les produits alimentaires et ménagers, de même pour les produits polluants persistants et bioaccumulables.
Investir dans la prévention.
«Si des politiques de prévention ne sont pas mises en place dès maintenant et si nous continuons une politique uniquement tournée vers le dépistage, le coût sera très élevé.» Ce travail doit être effectué en amont : écotoxicologie, puis épidémiologie, puis exigence sur les produits. Malheureusement, l'écotoxicologie est, selon Corinne Lepage, une spécialité en grande difficulté, puisque les chercheurs universitaires ont perdu leurs crédits dans ce domaine et qu'il n'existe plus de spécialistes en France : ils doivent être trouvés dans le cadre de l'Europe. «Les crédits de recherche publique doivent passer à 5%, afin de mesurer les effets toxiques des produits, et il faut créer un statut d'expert “indépendant”, c'est-à-dire qui ne soit pas financé par ceux dont il est chargé d'assurer l'expertise», recommande l'ancien ministre de l'Environnement.
Les dépenses de santé augmentent sans que l'on se soucie d'établir le moindre lien avec le développement économique, industriel et agricole. «Pire, assure Corinne Lepage, la population sert de cobaye, cotise pour payer ses soins et paye les fonds chargés d'indemniser les victimes.» Les études actuellement menées ne semblent pas cohérentes avec le problème (par exemple, la base étude est construite sur une population d'adultes hommes de 60 à 70 kg alors qu'il faudrait faire des études à partir des populations d'enfants).
Enfin, fait marquant, si aux Etats-Unis un produit est considéré comme cancérigène, il est retiré de la commercialisation, ce qui n'est pas le cas en France (exemple des incinérateurs et de la dioxine).
En conclusion, Corinne Lepage a souhaité préciser que «seule une approche économique par le développement durable et responsable est compatible avec les intérêts de santé des populations et des intérêts financiers. Il faudrait intégrer une forme de principe pollueur/ payeur comme levier vers de meilleures pratiques. Sinon, nous n'arriverons pas à transformer nos modes de production».
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