Par le Dr Thierry Brue*
L’HYPERPROLACTINÉMIE se définit par une élévation de la concentration plasmatique de la prolactine au-delà de la limite supérieure du dosage, le plus souvent entre 15 et 25 ng/ml.
Quand doser la prolactine.
Devant des symptômes d’hyperprolactinémie : chez la femme avant la ménopause, l’excès de prolactine se manifeste par une perturbation du cycle menstruel, en particulier l’aménorrhée secondaire, la galactorrhée ou des troubles sexuels. Chez l’enfant, on observe une absence ou un arrêt du développement pubertaire et, chez la jeune fille, une aménorrhée primaire. Chez l’homme, les manifestations fonctionnelles touchent essentiellement la fonction sexuelle. A l’examen, on peut trouver une gynécomastie.
Devant un syndrome tumoral hypophysaire, les symptômes les plus typiques d’une masse hypophysaire ou suprahypophysaire sont les céphalées et les troubles visuels. Ces derniers, liés à une compression chiasmatique, seront précisés par campimétrie.
Dans le bilan d’une pathologie hypophysaire, quelle que soit la pathologie hypophysaire suspectée, le dosage de prolactine apportera une information essentielle sur l’une des cinq lignées hormonales antéhypophysaires.
Diagnostic étiologique de l’hyperprolactinémie.
L’hyperprolactinémie peut avoir de nombreuses étiologies. Il convient tout d’abord d’éliminer les causes physiologiques, en tout premier, une grossesse. Compte tenu des diverses causes de fluctuations possibles (stress, par exemple), il faut contrôler l’hyperprolactinémie de la concentration élevée sur un deuxième prélèvement. Il est essentiel de rechercher la prise de médicaments pouvant élever les concentrations de prolactine : neuroleptiques, antiémétiques... Si l’hyperprolactinémie n’entraîne pas de retentissement sur la fonction gonadique ou si les troubles du cycle peuvent s’expliquer par d’autres causes, il est recommandé de rechercher une macroprolactinémie, prédominance de formes lourdes circulantes de prolactine en rapport avec des autoanticorps antiprolactine. Cette situation artéfactuelle doit être également évoquée en cas de grosses variations d’un dosage à l’autre chez un même patient. Le recours à des tests dynamiques n’est pas nécessaire en première intention. Ces tests ne doivent pas guider la décision d’indication d’une IRM. Ils peuvent toutefois être utiles dans certains cas, notamment lorsque l’IRM est douteuse.
Au terme de cette démarche diagnostique, si l’hyperprolactinémie confirmée n’a pas trouvé d’explication, la réalisation d’une IRM hypophysaire est nécessaire. En cas de valeurs de prolactine modérément élevées, malgré une lésion volumineuse, il faut évoquer un mécanisme d’hyperprolactinémie de compression de la tige par une lésion non lactotrope.
Les prolactinomes.
Les adénomes hypophysaires sécrétant la prolactine ou « prolactinomes » représentent les plus fréquentes des tumeurs hypophysaires. Dans leur grande majorité bénins, d’origine monoclonale, ils peuvent être occasionnellement invasifs localement. Ce type d’adénome est plus fréquent chez l’homme que chez la femme. La possibilité d’une cosécrétion d’hormone de croissance par un prolactinome doit être évaluée avant mise en route d’un traitement médical.
– Prolactinome et grossesse
Dans les microprolactinomes, les traitements par agonistes dopaminergiques rétablissent la fertilité dans plus de 90 % des cas. La bromocriptine est l’agoniste dopaminergique pour lequel on dispose du plus grand recul quant à son utilisation pendant la grossesse. Ce médicament n’entraîne pas de risque foetal ou maternel connu. Dès le diagnostic de grossesse, le traitement d’un microprolactinome par agoniste peut être habituellement interrompu.
Dans les macroprolactinomes, une augmentation de volume pendant la grossesse est observée dans 15 à 30 % des cas. Cela peut justifier la poursuite du traitement agoniste dopaminergique.
Dans le post-partum, en cas de microadénome, l’allaitement est possible, avec parfois une rémission de l’hyperprolactinémie. En cas de macroadénome, l’allaitement est contre-indiqué si les agonistes sont poursuivis.
– Contraception et prolactinome
Une contraception contenant une dose d’éthinylestradiol inférieure à 35 microgrammes peut être proposée chez certaines patientes qui ont un microadénome à prolactine, sous réserve d’une surveillance plus particulière.
– La chirurgie des prolactinomes
Dans les microadénomes, la chirurgie est proposée en cas de résistance ou de réponse partielle malgré des doses élevées ; d’intolérance persistante aux agonistes dopaminergiques ; du choix du patient ou de microadénomes plurisécrétants. Il s’agit d’une adénomectomie élargie par voie trans-sphénoïdale. On peut espérer entre 75 et 90 % de normalisation en postopératoire immédiat. Il est essentiel que l’intervention soit réalisée par un chirurgien expérimenté. Dans les macroadénomes, une intervention peut être justifiée, notamment par la résistance au traitement (10 % des cas) ou en cas de doute diagnostique : adénome non lactotrope entraînant une hyperprolactinémie de décompression.
Traitement médical de l’hyperprolactinémie.
Les nouvelles molécules disponibles depuis la bromocriptine (quinagolide et, surtout, cabergoline) sont désormais plus souvent utilisées en première intention, (au moins en dehors de la problématique spécifique de la grossesse), en raison de leurs avantages en termes de tolérance et d’efficacité. Les effets secondaires les plus fréquents sont d’ordre digestif (nausées, vomissements), mais aussi somnolence ou hypotension orthostatique.
Quand la prolactine est normalisée, on peut essayer de diminuer la posologie ou la fréquence d’administration. La répétition régulière d’examens par IRM n’est pas nécessaire pour les microadénomes à prolactine sous traitement quand la prolactine est normalisée ; pour les macroadénomes peut être recommandé un contrôle à trois mois, puis annuel, tant qu’on observe une poursuite de l’effet antitumoral, puis, plus espacé.
En règle générale, le traitement médical des microprolactinomes peut être interrompu après la ménopause. L’hyperprolactinémie ne représente pas une contre-indication au traitement hormonal substitutif.
En cas d’hyperprolactinémie médicamenteuse, les agonistes dopaminergiques sont souvent inefficaces, voire dangereux, exposant à un risque d’aggravation des manifestations psychiatriques. Si le médicament en cause ne peut être interrompu, après vérification de l’IRM, il pourra être proposé un traitement symptomatique, par exemple un traitement estrogénique ou estroprogestatif pour corriger l’hypoestrogénie.
* Hôpital la Timone, Marseille (1) Diagnostic et prise en charge des hyperprolactinemies ; consensus d’experts de la Société française d’endocrinologie (SFE) :
Thierry Brue, Brigitte Delemer ; et Jérôme Bertherat, Jean-François Bonneville, Françoise Borson-Chazot, Olivier Chabre, Philippe Chanson, Sophie Christin-Maitre, Bruno Claustrat, Christine Cortet-Rudelli, Henry Dufour, Bruno Estour, Michel Jan, Philippe Jaquet, Paul Kelly, Gilles Perrin, Rémy Sapin, Philippe Touraine, Jacqueline Trouillas, Jacques Young.
A paraître dans les « Annales d’endocrinologie » (Paris) 2007.
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