Douze ans après sa création, le Conseil national du SIDA (CNS) s'interroge : les fonctions qu'il occupe depuis son origine sont-elles encore d'actualité ? L'épidémie de VIH/SIDA est-elle suffisamment « maîtrisée » pour pouvoir être prise en charge par des dispositifs généraux ou communs, et non plus spécifiques ? La démarche paraît légitime, tant le paysage épidémiologique et institutionnel du SIDA a changé en dix ans.
Le CNS a été créé en 1989, dans le cadre d'un nouveau dispositif institutionnel spécialisé dans la lutte contre le VIH/SIDA qui prévoyait trois nouvelles institutions, dédiées respectivement à la prévention, à la recherche et à l'éthique. Complémentaire de l'Agence française de lutte contre le SIDA (AFLS) et de l'Agence nationale de recherche sur le SIDA (ANRS), il avait reçu pour mission de « donner son avis sur l'ensemble des problèmes posés à la société par le SIDA et de faire au gouvernement toute proposition utile ».
Normalisation
Comme il le fait remarquer dans son dernier rapport d'activité*, l'épidémie de SIDA a subi depuis « des transformations majeures », avec l'arrivée des antiprotéases en 1996, dont les conséquences ont été sensibles sur le plan institutionnel et dans l'opinion publique. La représentation mentale de la maladie a changé. Le CNS évoque à ce propos une « normalisation » : normalisation de l'action publique en matière de VIH/SIDA - « les structures ad hoc tendent à disparaître (comme l'AFLS en 1994) » - et, par voie de conséquence, normalisation du SIDA en tant que problème social. C'est pourquoi le CNS juge utile de poser la question « du maintien ou de la refonte des missions qui lui sont imparties ».
Dans son rapport, on apprend que la banalisation du risque engendré par l'épidémie, loin de le desservir, renforce, selon lui, sa raison d'être. « Le SIDA étant de plus en plus considéré comme une maladie chronique, puisque "traitable" , le risque de contamination est de plus en plus perçu, notamment par la jeune génération (...) comme un risque acceptable. » C'est tout le danger. De nombreuses enquêtes épidémiologiques relèvent l'existence d'un relâchement des pratiques de précaution, au mépris des « limites des traitements » dont le CNS fait état : « Effets secondaires, échappement thérapeutique, difficultés d'observance. Le nombre, l'ampleur, l'évolutivité et la complexité des problèmes que le SIDA continue de poser à la société française justifient le maintien des missions du CNS en l'état », insiste le rapport.
L'institution revendique un rôle de « vigilance et de suivi » pour que la mobilisation politique et sociale soit maintenue efficacement. Elle considère qu'il est de son ressort de « rappeler aux représentants élus les limites du caractère acceptable de leurs choix, sur le plan éthique comme sur le plan de l'efficacité ».
Une fonction de « plaidoyer »
En présentant hier les travaux du CNS, son président, le Pr Jean-Albert Gastaut, a souligné qu'il fallait « porter au crédit des membres du conseil d'avoir su inscrire, au prix d'un engagement individuel souvent important, des exigences éthiques essentielles au cur des pratiques des décideurs publics, des médecins, de l'ensemble des personnes concernées par le VIH ». Le CNS entend par ailleurs « faire émerger des problèmes silencieux », comme il l'a fait par le passé en attirant l'attention, par exemple, sur la faiblesse de la prise en charge des personnes interpellées, gardées à vue ou incarcérées. C'est sa fonction de « plaidoyer ». Il souhaite enfin constituer un lieu d'expertise pour les acteurs de lutte contre le SIDA en France et à l'étranger.
Afin d'être « plus efficace », il propose d'élargir sa composition à 28 membres, en augmentant la diversité des origines professionnelles de ses membres. Outre quelques modifications de fonctionnement, il sollicite une « amélioration » de ses moyens (création d'une régie d'avances permettant au secrétaire général d'engager des dépenses, renforcement de l'équipe permanente, indemnisation et dédommagement de frais réels des membres du CNS).
* « Ethique, SIDA et société », rapport d'activité du CNS, Tomex IV, 1999-2000.
Un organisme indépendant
Composé de 23 personnalités venues d'horizon divers, le Conseil national du SIDA (CNS) est une représentation de la société civile. Le président de la République nomme le président du conseil et cinq autres membres représentant les familles philosophiques et religieuses. Le Premier ministre et le ministre de la Santé désignent chacun quatre personnalités qualifiées. L'Assemblée nationale, le Sénat et le Conseil économique et social ont chacun leur représentant. Sont également représentés : l'Ordre des médecins, la Conférence des présidents d'université, l'Union nationale des associations familiales, la Commission informatique et libertés, le Comité consultatif national d'éthique et la Commission des droits de l'homme.
Le CNS est renouvelé par moitié tous les quatre ans. Chaque membre accepte son mandat, renouvelable une fois, à titre gracieux.
Organisme indépendant, le CNS se réunit pour débattre des problèmes liés au SIDA, proposer des solutions et conseiller le gouvernement à travers des avis.
Le conseil est saisi par les pouvoirs publics sur un problème particulier. Il peut aussi décider lui-même de se prononcer sur un sujet qui lui paraît sensible.
Un bureau, composé de huit membres et se réunissant deux fois par mois, organise et suit le travail du conseil. Les 23 membres du conseil se réunissent une fois par mois, de septembre à juin, en séance plénière au cours de laquelle ils examinent les points d'actualité, statuent sur les propositions du bureau et assurent le suivi du travail des commissions.
En 1999, le CNS s'est doté de quatre commissions permanentes, spécialisées dans les aspects médicaux, les problèmes de l'adolescence, la toxicomanie et les problèmes internationaux. D'autres commissions peuvent être créées, si un sujet n'entre pas dans les compétences des commissions permanentes.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature