MAUVAISE NOUVELLE pour la Caisse nationale d'assurance- maladie qui devrait être dans l'obligation de rembourser aux cliniques privées quelque 60 millions d'euros. Somme qui correspond à la chute de revenus des cliniques après la baisse de 3 % de leurs tarifs, décidée en septembre 2006 par Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé et de l'Assurance-maladie.
Un arrêt du Conseil d'Etat a en effet annulé à la fin de l'année dernière cette décision ministérielle prise à l'époque (voir notamment « le Quotidien » du 11 septembre 2006) pour respecter l'objectif des dépenses. Le gouvernement s'inquiétait en effet d'une hausse sensible de l'activité des cliniques privées, responsables selon lui d'un dérapage inquiétant. Reste que cette baisse des tarifs, prise brutalement, incitait derechef les responsables des établissements privés à appeler à la grève générale des soins. Rapidement, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), qui rassemble la quasi-totalité des cliniques, décidait de saisir le Conseil d'Etat, pour demander l'annulation de ce texte. Elle était suivie peu après par le Syndicat des cliniques spécialisées en chirurgie, obstétrique et médecine (SCScom) et un certain nombre d'établissements privés.
Le Conseil d'Etat dans son arrêt va dans le sens de cette requête au motif notamment que le gouvernement ne s'est pas conformé à la procédure indispensable à une telle décision. Deux préalables n'ont pas été respectés, affirme le Conseil d'Etat : la profession, qui n'a pas été consultée, n'a pas eu connaissance des états provisoires et des états définitifs des dépenses ainsi que de leur répartition par établissement, alors que ces informations doivent lui être communiquées ; par ailleurs, poursuit le Conseil d'Etat, «l'analyse par activité médicale de l'évolution des charges n'a pas été faite».
Le problème du remboursement des cliniques.
Mais cet arrêt fustige aussi une décision du gouvernement, qui, dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2007, avait voulu se prémunir contre l'annulation, qu'il pressentait, de sa décision. Ainsi, les articles 73 et 74 de ce texte législatif permettaient au gouvernement de valider, de façon rétroactive, cet arrêté de baisse des tarifs. Un procédé, explique le Conseil d'Etat qui est en contradiction avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
«Seuls d'impérieux motifs d'intérêt général, expliquent les juges, pourraient justifier que cette convention européenne ne soit pas respectée à la lettre.» Or, à l'évidence, les motifs invoqués par le ministre de l'époque – l'évolution inquiétante des dépenses et sa conséquence sur la réforme de l'assurance-maladie – ne sont pas, selon les juges, des raisons suffisantes «susceptibles de justifier les atteintes portées par l'Etat à un procès équitable».
Cette décision ravit bien évidemment l'hospitalisation privée. Pour Philippe Burnel, délégué général de la FHP, cet arrêt «montre bien que nous avons eu raison, dit-il , de contester ces décisions et de faire appel au Conseil d'Etat».
Même sentiment du côté d'Olivier Toma, président de la SCScom, qui se réjouit de constater «que l'Etat ne peut pas faire n'importe quoi, n'importe comment. Cela fait des années que l'on affirme que les pouvoirs publics fixent nos tarifs sans tenir compte de nos coûts. Cette décision va nous encourager à nous battre à chaque fois qu'une décision unilatérale et injuste sera prise».
Reste le problème de la compensation financière des cliniques qui ont été pénalisées par des baisses de tarifs aujourd'hui annulées. «Seule solution, poursuit Olivier Toma : refacturer les dossiers concernés pour que chaque clinique récupère, auprès de l'assurance-maladie, les sommes correspondant à l'activité réalisée durant cette période.» Mais cela peut se révéler long et compliqué.
A la FHP, on réfléchit à une procédure pour récupérer les 60 millions d'euros dont les cliniques ont été privées. Des négociations avec l'assurance-maladie devraient rapidement s'engager. Mais Philippe Burnel souhaiterait que ce soit les caisses qui calculent le manque à gagner de chaque clinique pour l'indemniser ensuite. «Une méthode qui ne présente aucune difficulté pour l'assurance-maladie», affirme le délégué général de la FHP.
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