LA SOCIETE française de santé publique (Sfsp) s'inquiète de la création du Conseil de modération et de prévention, dont la mission est d'assister les pouvoirs publics dans l'élaboration et la mise en place de politiques relatives aux usages et aux risques liés aux boissons alcoolisées (décret n° 2005-1249 du 4 octobre). La société savante, constituée en 1877 et qui rassemble des médecins, mais aussi des éducateurs et tous les corps de métier de la santé publique, relève que la nouvelle structure est l'enfant du ministère de l'Agriculture. « Ce n'est pas neutre, car ce ministère défend les intérêts des alcooliers », souligne son responsable, le Dr François Bourdillon, également vice-président de Médecins sans frontières.
« Instaurer un Conseil de modération vise à imposer de manière durable cette notion très ambiguë qui reste avant tout un moyen de favoriser la consommation par voie de publicité, estime la Sfsp. Or les acteurs de prévention pensent aujourd'hui qu'il faut cesser de promouvoir la modération, compte tenu des appréciations subjectives différentes d'un individu à un autre. Au contraire, il convient de donner des repères de consommation en nombre de verres, de signaler les distinctions entre usage, abus et dépendance, et de rappeler les dommages sanitaires et/ou sociaux, immédiats ou à long terme, de la consommation d'alcool. »
La Société de santé publique fait remarquer aussi que la France dispose d'un Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, sous tutelle du ministère de la Santé, et de deux missions interministérielles, la Milt (drogue et toxicomanie) et la Sécurité routière, très impliquées dans la prévention des problèmes imputables à l'alcool.
Un détournement de la loi Evin.
Pour la Sfsp, la multiplication des instances consultatives - « a fortiori lorsqu'elles associent les entreprises et les organisations professionnelles du domaine de la production et de la distribution de boissons alcoolisées » - et la dilution des responsabilités « ne peuvent être que des freins à la mise en œuvre d'une politique de prévention qui doit être protégée contre les lobbies industriels ». Le Conseil de modération « est, de fait, un détournement de la loi Evin », affirme la société savante, qui souhaite que soit réaffirmée la prééminence et de l'indépendance du ministère de la Santé dans la conduite de la prophylaxie.
Le Conseil n'a pas lieu d'être et il est d'autant plus inutile qu'il n'implique dans son fonctionnement ni le ministère de l'Intérieur ni celui de la Justice, dit, pour sa part, l'Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie, qui lui préférerait une structure « à visée addictologique couvrant tous les produits psychoactifs ».
Au fil des ans, le volet alcool de la loi Evin a été quelque peu affaibli, comme en témoignent l'amendement buvette de 1998 permettant aux groupements sportifs de vendre de l'alcool, et la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux qui autorise dans les publicités la prise en compte des appellations d'origine et des références objectives, comme la couleur et les caractéristiques olfactives et gustatives du produit (art. 21).
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