DE NOTRE CORRESPONDANT
L'AMPLEUR du marché de la contrefaçon reste mal connue, mais l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 8 à 10 % des médicaments vendus dans le monde sont contrefaits. Ce pourcentage est considérable ; il atteint 25 % et plus dans certains pays africains et asiatiques : le Pakistan et le Nigeria détiendraient un record mondial, avec 50 % de contrefaçons.
Au sein de l'Union européenne, la contrefaçon reste rare, mais augmente nettement en Europe orientale et surtout en Russie, où elle représenterait de 5 à 10 % des médicaments. C'est pour tenter de s'opposer à ces commerces dangereux, qui mettent en cause la santé des populations, que des pharmaciens, des médecins, des industriels, des administrateurs de la santé et du médicament, des juristes et des policiers se sont réunis au Conseil de l'Europe à Strasbourg.
Législations imparfaites.
Comme le rappelle dans ses documents la division de la santé du Conseil, les législations pharmaceutiques actuelles ne répondent qu'imparfaitement aux défis posés par les contrefaçons dans le monde. Celles-ci se développent d'autant plus vite qu'elles dégagent des bénéfices énormes pour les « producteurs », qui peuvent « travailler dans un garage » sans grands investissements. Les produits contrefaits sont généralement inertes ou inefficaces, mais peuvent se révéler très toxiques, comme l'ont montré plusieurs accidents dans le tiers-monde ces dernières années (1).
Les services de pharmacovigilance sont souvent démunis pour détecter des contrefaçons, et il n'existe aucun système d'alerte international dans ce domaine. La perméabilité des marchés du médicament, en particulier avec l'Europe orientale, le développement des ventes par Internet et les circuits pharmaceutiques complexes, dont certaines importations parallèles, facilitent l'irruption de contrefaçons sur le marché européen, y compris dans les pharmacies. En 2004, du faux Viagra a été saisi dans une officine britannique, et de grandes quantités d'autres contrefaçons destinées à la vente par Internet ont été saisies en Espagne. Si l'amoxicilline reste la molécule la plus fréquemment contrefaite, car les médicaments de cette substance sont parmi les plus prescrites, les « médicaments de style de vie », dont les stimulants sexuels ou intellectuels, sont très prisés des contrefacteurs.
Certes, souligne le Conseil de l'Europe, les pharmaciens et les grossistes respectent scrupuleusement toutes les procédures de sécurité. Le risque que se glisse une contrefaçon dans le circuit de distribution est infime. Mais il ne peut être considéré comme nul. Il importe donc d'améliorer les connaissances sur le phénomène, de renforcer la vigilance et de « combler les vides réglementaires » qui subsistent ou sont apparus à la faveur des évolutions technologiques et commerciales et de la criminalité organisée. Le séminaire de Strasbourg s'est efforcé de définir des priorités d'actions pour l'avenir. Il s'agira entre autres de développer les enquêtes et les études sur les contrefaçons, de rechercher de nouvelles méthodes de détection, de mieux former les inspecteurs de la pharmacie et de la santé et de mettre au point des procédures d'alerte internationales.
(1) Avec, par exemple, 89 morts à Haïti en 1995 à la suite de la consommation d'un sirop pour la toux contrefait, et près de 2 500 morts la même année au Nigeria à cause d'un faux vaccin contre la méningite, hautement toxique. Ces dernières années, en Asie du Sud-Est, de faux comprimés contre le paludisme, inefficaces, ont entraîné la mort de nombreuses personnes qui se croyaient, à tort, protégées.
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