LE MILIEU SYNDICAL est en émoi. Le Conseil de la concurrence vient de rendre une décision qui va faire beaucoup de bruit. Saisi le 20 mai 2003 par l'association de consommateurs Familles rurales (« le Quotidien » des 6 et 19 décembre 2006), il a en effet sanctionné sept syndicats de médecins libéraux pour avoir «organisé des ententes entre leurs adhérents afin de provoquer une hausse du prix des consultations». La CSMF (Confédération des syndicats médicaux français) et sa branche spécialiste l'UMESPE, la FMF (Fédération des médecins de France), le SML (Syndicat des médecins libéraux), le SYNGOF (gynécologues), le SNPP (psychiatres) et le SNPF (pédiatres) sont mis en cause par le Conseil de la concurrence pour avoir incité, entre 2001 et 2005, les médecins spécialistes libéraux de secteur I à majorer leurs honoraires par une utilisation collective, élargie et parfois systématique du dépassement exceptionnel (DE) pour compenser l'absence de revalorisation du tarif conventionnel de leurs actes (1).
Dans son analyse, le Conseil estime que «la diffusion, par un syndicat médical, de consignes collectives recommandant de recourir au droit au dépassement exceptionnel, dans le but d'augmenter artificiellement les honoraires en utilisant une faculté devant faire l'objet d'une appréciation individuelle, est constitutive d'une entente sur prix». «Ces pratiques, plus ou moins longues selon les syndicats, ont été largement appliquées par les médecins, ce qui a causé un important dommage à l'économie du secteur, subi essentiellement par les patients du fait du renchérissement du tarif des consultations», ajoute le Conseil de la concurrence dans sa décision. L'instance estime à 180 millions d'euros environ la majoration indue des honoraires ainsi obtenue. Le Conseil considère que les augmentations «anormales des DE» auraient représenté environ 20 millions d'euros en gynécologie-obstétrique ; 7 millions d'euros pour les pédiatres et 12 millions d'euros pour les psychiatres privés. Dans sa décision, le Conseil indique ne pas vouloir remettre en cause la légitimité de l'action syndicale. Mais il tempère : «Cette dernière ne doit pas prendre la forme d'actions concertées entre acteurs économiques conduisant à un renchérissement significatif du prix des prestations rendues.» Au final, ce sont sept syndicats qui ont été sanctionnés pour un montant de 814 000 euros (voir ci-dessous). Une condamnation de cette ampleur est une première pour les syndicats de médecins.
Un coup dur pour les finances des syndicats.
Très fortement touchée par cette condamnation, la CSMF dénonce une «décision inique à caractère politique destinée à bâillonner l'action syndicale». «On veut manifestement jeter le discrédit sur les dépassements d'honoraires alors qu'il s'agissait ici de dépassements légaux et prévus dans la convention, s'emporte le président de la CSMF, le Dr Michel Chassang. Cette plainte a eu une instruction expéditive. Pour sa part, la CSMF a toujours respecté la loi dans cette affaire, en prônant exclusivement une utilisation légale du DE.» Selon le président de la Confédération, le montant de l'amende à laquelle sont condamnées la CSMF et sa branche spécialiste l'UMESPE – 370 000 euros au total – va poser des «problèmes budgétaires» à ces organisations.
Le SML s'indigne pour sa part de sa condamnation «pour ententes entre leurs adhérents afin de provoquer une hausse du prix des consultations». «Au vu des éléments du dossier, cette condamnation est infondée, et le montant de l'amende met en péril l'activité du syndicat et donc les libertés syndicales», ajoute le syndicat. A la FMF, moins durement condamnée, le Dr Jean-Claude Régi marque tout de même le coup. «On nous accuse d'entente illicite, mais, ni de près ni de loin, je n'ai eu le moindre contact ou discussion avec quelque syndicat que ce soit sur ce sujet.»
Le Dr Marc-Alain Rozan, président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens (SYNGOF), se dit extrêmement surpris par cette décision.
«Dire qu'il y a eu entente syndicale est ridicule car nous n'avons fait que notre devoir de syndicaliste en expliquant que le DE existe dans la convention, indique-t-il. Nous condamner à 200000 euros alors que nous avons 4000adhérents constitue une amende énorme qui va nous priver des moyens de nous défendre. On veut la mort des syndicats.»
Les principales organisations frappées par cette sanction – CSMF, UMESPE, FMF et SML – ont déjà annoncé qu'elles feraient appel de cette décision auprès de la cour d'appel de Paris. Cet appel n'est cependant pas suspensif du paiement de l'amende.
L'association Familles rurales, à l'origine de cette plainte, se satisfait quant à elle de cette décision. «Le principe de l'entente, inacceptable dans le commerce traditionnel et encore moins pour ce secteur d'activité, a été reconnu, indique Jean-Yves Martin, directeur de l'association. Il était nécessaire de mettre un coup d'arrêt à cette pression. Cette sanction est significative même si elle ne représente pas grand chose par rapport aux 180millions d'euros de majorations qu'ont dû payer les patients.»
(1) Le dépassement exceptionnel (DE) permet au médecin du secteur I de demander des honoraires plus élevés que le tarif conventionnel lorsque son intervention s'inscrit dans des circonstances exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du patient.
Des sanctions importantes
Les sept syndicats ont été sanctionnés pour un montant très élevé de 814 000 euros. Le Conseil a prononcé des sanctions proportionnées «en tenant compte de la gravité des comportements en cause, de l'importance du dommage causé à l'économie et des circonstances propres à chaque organisation ainsi que de ses capacités financières».
Il a ainsi infligé une sanction de :
– 150 000 euros à l'UMESPE,
– 220 000 euros à la CSMF,
– 34 000 euros à la FMF,
– 135 000 euros au SML,
– 200 000 euros au Syndicat des gynécologues-obstétriciens de France (SYNGOF),
– 37 000 euros au Syndicat national des psychiatres privés (SNPP),
– 38 000 euros au Syndicat national des pédiatres français (SNPF).
Le Conseil de la concurrence pouvait infliger de lourdes pénalités financières pouvant aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires des centrales.
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