Baptisé « interférence ARN », ce concept repose sur un mécanisme observé initialement chez les végétaux, où il semble servir de défense antivirale. Chez l'animal, et jusque chez les mammifères, des éléments de ce mécanisme paraissent également présents, mais leur fonction naturelle est moins évidente. Ces éléments, en particulier des enzymes de dégradation de l'ARN, semblent toutefois pouvoir être mis à profit contre des virus.
L'interférence ARN, donc, repose sur des ARN double brin, longs d'une vingtaine de nucléotides et possédant un brin de séquence analogue à celle de l'ARN à neutraliser - le second brin étant par conséquent de séquence complémentaire à celle de l'ARN visé. Bien que le détail du mécanisme ne soit pas compris, on constate que la présence de tels ARN double brin dans la cellule s'accompagne de la dégradation de l'ARN simple brin correspondant, qu'il s'agisse d'un ARN viral ou d'un ARN messager cellulaire, puisque, à côté de sa fonction « défensive », l'interférence ARN pourrait aussi jouer un rôle dans la régulation de l'expression des gènes. Quoi qu'il en soit, des ARN double brin synthétiques, de séquence ad hoc, ont été testés sur des cultures cellulaires infectées par le poliovirus ou par le VIH. Les résultats des deux études, publiés dans « Nature », sont encourageants, puisque le traitement préalable a empêché la lyse des cellules par le poliovirus et interrompu la réplication du VIH, en provoquant la dégradation de l'ARN viral avant sa rétrotranscription en ADN proviral. On note également que, dans les deux cas, l'induction d'interféron, qui est une propriété connue des ARN double brin de petite taille, a été mise hors de cause dans l'effet antiviral.
Envisager un avenir thérapeutique de l'interférence ARN serait tout à fait prématuré. D'abord, parce qu'il conviendrait d'en savoir davantage sur le mécanisme effectivement sollicité dans la cellule. Ensuite, parce qu'on se souvient de l'échec des ARN antisens, qui avaient suscité beaucoup d'espoir au milieu des années quatre-vingt-dix - quoique le mécanisme soit sans doute différent, on ne peut s'empêcher de penser à une sorte de cousinage. Enfin, parce qu'il semble que la séquence virale puisse aisément échapper à l'effet des ARN double brin : la mutation d'un seul nucléotide dans la séquence visée suffit ainsi à rendre le poliovirus résistant.
Ces réserves faites, il reste que l'interférence ARN est une piste pour réussir, peut-être, ce que l'on tentait déjà avec les antisens : neutraliser spécifiquement un ARN viral ou un ARNm cellulaire.
L. Gitlin et coll., J.-M. Jacque et coll. « Nature » du 26 juin 2002.
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