QUELQUES JOURS après l'annonce, par Roselyne Bachelot, du maintien d'une partie de la chirurgie dans la petite ville aveyronnaise de Saint-Affrique (« le Quotidien » d'hier), l'ambiance, sur place, est au soulagement.
L'un des deux chirurgiens de l'hôpital, le Dr Alain Acheaibi, espère enfin trouver la sérénité qui lui faisait défaut depuis deux ans. «Vivre dans le conflit permanent, c'est difficile. Difficile de se concentrer pour opérer, et difficile d'établir des protocoles de sécurité quand il n'y avait que des remplaçants à mes côtés. Depuis 2007, nous avons une équipe complète et stable, il n'y a plus de mercenaires. Tout ce que nous souhaitons, c'est enfin travailler normalement.»
Le maire (PS) de Saint-Affrique est jovial. Son combat mené depuis des années est emblématique pour d'autres villes souhaitant maintenir des soins hospitaliers de proximité. Sans aller jusqu'à parler de victoire, Alain Fauconnier lâche, le sourire aux lèvres : «Ce scénario permet de maintenir la chirurgie indispensable pour la maternité. Je suis donc satisfait, avec l'espoir que cette décision soit pérenne. Reste maintenant à voir combien le ministère va donner comme subventions pour compenser la baisse d'activité chirurgicale.»
Oubliée, la polémique surgie cet été après la publication d'un article alarmiste dans « le Parisien ». S'inspirant d'un prérapport de l'Igas (Inspection générale des affaires sanitaires) qui menait l'enquête sur place, le journal a mis en doute la qualité des soins chirurgicaux dispensés à Saint-Affrique, en évoquant plusieurs morts suspectes de patients opérés (voir encadré). «Avec le recul, cette fuite nous a finalement servis, commente Alain Fauconnier. Elle nous a permis de mettre à plat les problèmes, et elle a pressé le ministère pour trouver une solution.»
Autre figure politique locale, Alain Marc, député (UMP) de l'Aveyron, a plus de mal à passer l'éponge. «Cet article, à charge et incorrect, n'a rien apporté. Il parlait de cas suspects, mais ces gens étaient en fin de vie: on n'empêche pas les gens de mourir.» Ce parlementaire est convaincu que la « fuite » du prérapport de l'Igas dans la presse émane d'un certain microcosme chirurgical parisien hostile aux petits plateaux techniques. «Dans certaines sphères médicales, reprend Alain Marc , on pense qu'opérer dans de petits hôpitaux n'est pas suffisamment sécurisé. A les écouter, Millau et Rodez devraient aussi disparaître. Vu du 16earrondissement parisien, cela peut paraître logique. Pour moi, c'est incompréhensible. Bien sûr que les pratiques chirurgicales doivent évoluer, mais en s'adaptant au cas par cas.» Alain Marc s'est beaucoup investi dans le dossier. A sa grande satisfaction, la ministre de la Santé a su placer le curseur «au bon endroit». Arrêt de la chirurgie lourde, et maintien de la chirurgie ambulatoire et de courte durée, ce qui sauve la maternité. Sinon, les parturientes auraient eu une heure de route pour accoucher. Une convention précise la coopération entre Saint-Affrique et le CHU de Montpellier pour que les chirurgiens de Saint-Affrique restent «au top niveau». «Tout le monde est content», conclut le député.
Le verdict de l'Inspection des affaires sociales
Dangereux, pas dangereux ? Difficile de se faire une idée sur la qualité des soins à Saint-Affrique, car la polémique sans cesse rebondit. Autant aller directement à la source : « le Quotidien » s'est procuré les conclusions du rapport de l'Igas remis à Roselyne Bachelot et qui évalue l'expérimentation en chirurgie sur le site de Saint-Affrique en 2006. A les lire, les deux inspecteurs n'ont pas eu la dent si dure que le laissait entendre « le Parisien » dans son édition du 19 juillet. Premier constat, surprenant : les habitants de Saint-Affrique, si prompts à défendre leur hôpital à coup de grandes manifestations, ne s'y précipitent pas pour s'y faire soigner. En 2006, le taux de fuite était de 50 % en chirurgie. Les défenseurs du bloc opératoire de Saint-Affrique arguent que l'équipe médicale était alors incomplète et promettent que l'activité va grimper grâce au retour à un fonctionnement normal. Les deux membres de l'Igas constatent par ailleurs que le petit nombre de praticiens titulaires en 2006 a fragilisé la permanence des soins. «Le recours élevé aux remplaçants» a rendu «plus difficile la coordination des prises en charge nécessaire dans un service hospitalier», écrivent-ils. Quid de la qualité ? «Aux dires d'experts, des doutes sur le bien-fondé et la qualité des actes réalisés ont été soulevés», poursuit l'Igas, pour qui «la chirurgie carcinologique ne peut plus aujourd'hui être réalisée sur le site de Saint-Affrique».«Ces constats ne plaident pas pour la poursuite de l'expérimentation de chirurgie viscérale à plein-temps sur lesite», conclut la mission Igas. De ces préconisations, la ministre de la Santé n'a retenu qu'une partie, puisqu'elle a, contre l'avis de l'Igas, décidé de maintenir la chirurgie nécessitant des séjours de moins de 48 heures, outre la chirurgie ambulatoire. Pour le député (UMP) Alain Marc, c'est là la preuve que le pragmatisme prévaut dans ce genre d'affaire, et qu'il ne s'agit pas «du pot de terre contre le pot de fer».
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