L A prolifération actuelle des demandes de brevets relatives au génome humain et à son large éventail d'applications donne lieu à une controverse de plus en plus vive. Récemment, l'Institut Curie annonçait son intention de contester le brevet européen délivré en janvier à la société américaine Myriad Genetics, qui pourrait permettre à celle-ci d'exercer un monopole sur le dépistage des mutations du gène BRCA1 (« le Quotidien » du 6 septembre).
Cette question des brevets sur le génome est « de la plus haute urgence », estime le Comité international de bioéthique (CIB) dans un rapport dont les perspectives sont actuellement débattus à l'UNESCO. Si l'explosion du nombre de brevets concernant le génome humain n'est pas rapidement jugulée, « le coût des thérapies et des tests génétiques deviendra prohibitif pour la plupart des êtres humains et des pays », souligne ce rapport.
Partage des bénéfices
Le CIB soutient l'idée du partage des bénéfices, c'est-à-dire l'affectation aux pays en développement, d'où provient généralement le matériel génétique, d'une part des bénéfices nets réalisés par les laboratoires pharmaceutiques.
En outre, le CIB invite l'UNESCO à « promouvoir d'urgence » l'adoption d'une convention internationale sur les questions éthiques et celles relatives à la propriété intellectuelle et à la génomique, ou sur la matière vivante. Cette convention devrait, entre autres, clarifier l'article 27 alinéa 2 de l'accord ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) afin que celui-ci constitue une exception à la brevetabilité du génome humain sur la base de considérations d'intérêt public.
Cet article stipule que « les membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d'empêcher l'exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l'ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l'environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l'exploitation est interdite par leur législation ».
Par ailleurs, le CIB recommande au directeur général de l'UNESCO de proposer à la Conférence générale de l'organisation de prendre des mesures en vue d'un moratoire général concernant l'octroi de futurs brevets sur des séquences de génome humain, « en attendant l'adoption d'un régime international de propriété intellectuelle qui prenne mieux en compte l'éventail des préoccupations éthiques exprimées par la communauté internationale ».
Enfin, le CIB estime que l'UNESCO devrait envisager de prendre au sein du système des Nations unies une initiative visant à créer un fonds mondial destiné à l'acquisition, au profit de l'humanité, des droits de propriété intellectuelle détenus à titre privé sur des séquences de génome humain. « Ce fonds pourrait être mis en place de façon analogue à celui créé par l'OMS pour les thérapies relatives au SIDA », conclut le CIB.
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