PLONGÉ dans le brouillard d'une réforme et d'une convention aux conséquences économiques incertaines, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance-maladie, chargé de rendre chaque année avant le 1er juin un avis sur le respect de l'Ondam (1), a proposé un premier diagnostic encourageant mais fragile.
Certes, cette instance indépendante, qui réunit le directeur général de l'Insee, Jean-Michel Charpin, le secrétaire général de la commission des comptes de la Sécurité sociale (Ccss), François Monier, et le directeur général de l'institut de conjoncture Rexecode, Michel Didier, ne sort pas le carton rouge. « A ce jour, et au vu des tendances du début de l'année, le respect de l'objectif fixé pour 2005, soit 134,9 milliards d'euros, paraît possible. » Il n'y a donc pas lieu, lit-on dans cet avis, de « mettre en œuvre la notification prévue en cas de risque sérieux de dépassement de l'objectif de plus de 0,75% ». Et donc pas lieu non plus, pour l'assurance-maladie, de prendre des mesures de « redressement » à court terme. Reste que le ministre de la Santé aura du mal à se réjouir trop vite.
L'avis du comité souligne la « fragilité des données disponibles », la « grande incertitude qui entoure la prévision des dépenses », un flou aggravé par « la difficulté d'évaluer tous les effets de la réforme de 2004 ». Peut-on être plus réservé sur la tendance des mois à venir ?
En ville, la modification des comportements en question.
Au-delà de l'exercice d'équilibrisme à mi-année, la note ramassée du comité d'alerte (quatre pages) a le mérite d'aller à l'essentiel. Après avoir rappelé que le succès de la réforme Douste « suppose une modification des comportements », le comité dissèque les soins de ville dont il constate la « croissance modérée ». Une bonne surprise qui se confirme mois après mois. De fait, après une tendance « proche de 6 % en volume, sur la période 1997-2003 », la courbe s'est stabilisée à des niveaux très raisonnables (autour de 3 %). Deux postes expliquent cette inflexion. Les indemnités journalières (IJ) d'abord qui, après avoir bondi sur la période 1997-2003 (+ 8 % par an), régressent désormais (- 0,5 % en 2004, - 3,8 % en glissement annuel depuis janvier 2005). L'avis y voit « principalement » l'effet du renforcement des contrôles de la Cnam.
Deuxième poste prometteur : les médicaments dont le comité précise que « le rythme d'augmentation en valeur est passé d'environ 8 % l'an entre 1997 et 2003 à 6,5 % en moyenne annuelle 2004 et moins de 4 % en glissement annuel sur les quatre premiers mois de 2005 ». Mais même si certains signaux sont passés au vert, la réalisation de l'objectif « soins de ville » pour 2005 reste incertaine. Elle dépendra du maintien de cette tendance modérée qui, selon le comité, peut s'expliquer par certains « effets psychologiques de la réforme », observés à chaque plan de sauvetage . Sur les IJ par exemple, « un retournement à la hausse est prévisible à terme plus ou moins rapproché ».
D'autre part, l'impact des mesures nouvelles (en application de la réforme et de la convention) pourrait être en décalage avec les prévisions (rendement du forfait de un euro, économies du plan médicament). Quant au fameux deal conventionnel (revalorisations d'honoraires contre engagements de maîtrise médicalisée à hauteur de 998 millions d'euros en 2005), il inspire au comité d'alerte une phrase en forme de mise en garde. « Par nature, les coûts sont plus assurés que les économies (...). » Le Syndicat des médecins libéraux (SML) plaide à cet égard pour la mise en place « rapide » des outils de la convention, en particulier pour la bonne gestion des ALD.
Marge d'erreur.
S'il épargne la médecine de ville, le comité d'alerte identifie « plusieurs éléments de dépassement » sur les hôpitaux. « Surcoût » de la revalorisation des salaires des fonctionnaires, « perturbations » résultant de la première étape de mise en place de la tarification à l'activité (T2A) dans les établissements mais surtout révision à la hausse des dépenses réelles 2004 (du coup l'objectif 2005 calculé sur des bases dépassées est plus difficile à respecter) : autant de facteurs qui annoncent des « tensions » sur les budgets .
En définitive, ce premier avis du comité d'alerte montre certaines limites de l'exercice. Interrogé par « le Quotidien », François Monier confie que « les choses restent ouvertes car, à cette période de mai-juin, on peut se tromper de plusieurs dixièmes... ». La commission des comptes de la Sécu, dont le rapport sera présenté mardi prochain, donnera un éclairage plus complet. Outre les dépenses, elle examinera les recettes (et notamment les entrées de cotisations), que le nouveau gouvernement espère stimuler grâce à une mobilisation générale contre le chômage.
(1) Objectif national de dépenses d'assurance-maladie fixé à 3,2 % pour 2005.
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