SI LA FORCE DE CONVICTION de Mme Royal a conquis Lionel Jospin, sa chance de convaincre les Français n'est plus à mettre en doute. Il semble bien que la candidate socialiste remonte dans les sondages, ce qui autorise son camp à nourrir un plus grand optimisme, quoique le score de M. Bayrou (il arrive à 17 %) inquiète à la fois la gauche et la droite.
Ségolène Royal peut dire aujourd'hui qu'elle ne mérite plus aucun des reproches parfois vifs qui lui ont été adressés, y compris à gauche, et que sa popularité ne semble souffrir ni de ses néologismes, ni de ses approximations dans les dossiers, ni de la démission d'Eric Besson. La voilà qui met son pas dans les pas de M. Sarkozy, dans un coude-à-coude où le premier et le second seront pratiquement indistincts au finish. Elle peut l'emporter.
Un coup de maître.
Cependant, si l'on en juge par les rebondissements nombreux et fréquents de cette campagne (envolée de M. Sarkozy, séquences malheureuses pour Mme Royal, puis succès du grand meeting réuni pour l'exposé de la plate-forme de la candidate, puis remontée de la même dans les sondages, tout cela en tenant compte de l'arrivée en force de M. Bayrou), on a tout lieu de croire que le candidat de la droite ne va pas rester inerte. Franchement, les piques auxquelles se livrent les porte-parole ne nous intéressent pas. Ce n'est pas des caricatures que viendra la décision, mais du profond engagement des Français, qu'ils soient indignés par la progression de la pauvreté et par l'état du pays ou qu'ils croient au dynamisme d'une économie libre.
Dans ce cas, la stratégie de Ségolène est assez impressionnante. Certes, elle a encore besoin de confirmer son retour en grâce dans les sondages : il ne suffit pas qu'elle parvienne à la hauteur de M. Sarkozy, elle doit le battre. Mais, consciente qu'elle va mieux aujourd'hui qu'hier, elle s'est livrée à un coup de maître en ralliant les éléphants. Pourquoi ? Parce qu'elle joue maintenant le deuxième tour et qu'elle donne à chacun de ceux qui voteront Bové, Voynet, Besancenot, Laguiller au premier, un éléphant pour sa sensibilité. Le social-démocrate sera heureux avec Dominique Strauss-Kahn ; le gauchiste se dira que Laurent Fabius sera un pis-aller ; l'adorateur des 35 heures sera satisfait de retrouver Martine Aubry ; et tous les socialistes ombrageux, discrets, renfrognés, ascétiques penseront à Lionel Jospin. Il ne manque vraiment que Jean-Luc Mélenchon.
Toutefois, cette sorte de cabinet fantôme constitué par la candidate est aussi une pétaudière : à qui fera-t-elle croire que toutes ces sensibilités qui constituent, à n'en pas douter, la richesse du PS, ne représentent pas en même temps un grave risque de divisions au sein de l'équipe appelée à diriger le pays ?
Nous disions donc que Mme Royal joue le deuxième tour, en essayant de faire le plein des voix de gauche, mais elle peut aussi, de cette manière, rebuter les centristes et ces socialistes qui, déjà, manifestent un immense intérêt pour François Bayrou et ses idées.
En ancrant sa campagne à gauche, Mme Royal qui, par ailleurs, se moque des idéologies, a choisi entre deux instruments : l'un qui est sa grâce et sa féminité, sa crédibilité de présidente au-dessus des partis, et qu'apparemment elle a écarté ; l'autre, qu'elle a retenu, et qui n'est rien d'autre que l'appareil. Voilà une Ségolène qui s'est fait un nom avec son sourire et son évanescence et qui maintenant joue la partie comme un rugbyman néo-zélandais. C'est plus classique, mais c'est peut-être plus sûr.
LE CABINET FANTOME DE SEGOLENE EST A LA FOIS UN RASSEMBLEMENT ET UNE PETAUDIERE
Exquise complication.
De cette manière, elle « copie », si l'on peut dire, la stratégie de M. Sarkozy qui, lui, a fait une croix sur l'électorat de gauche depuis longtemps, même s'il invoque les mânes de Jean Jaurès et de Léon Blum. On devrait suggérer au candidat de l'UMP d'accentuer son engagement non pas à droite mais sur le thème de la rupture. Car le plus grand défaut de Mme Royal, désormais, c'est d'être revenue à un socialisme ultraclassique, celui-là même qui n'a rien prouvé, sinon qu'il était incapable de mettre un terme à la dérive socio-économique du pays. Si voter Ségolène, c'est avoir du Fabius et du Jospin, c'est-à-dire du réchauffé, pourquoi espérer du moderne et du panache ? Si voter Sarkozy, c'est en finir avec les scléroses sociales, les pesanteurs sociologiques, les dictatures bureaucratiques, pourquoi ignorer cette chance de renouveau ?
Bref, c'est une campagne exceptionnelle, non seulement parce que la France se situe à un tournant, mais parce que les camps se distinguent bien, avec cette complication exquise que la candidature de M. Bayrou ajoute à la mêlée.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature