EN SEPTEMBRE dernier, les comptes rendus de l'Académie des sciences américaine mentionnent les résultats d'une étude qui pourrait bien signer le retour de la vitamine C dans les stratégies thérapeutiques antitumorales et anti-infectieuses. Les travaux de Chen et coll. indiquent en effet que l'administration d'acide ascorbique par voie intraveineuse pourrait être bénéfique aux malades atteints de plusieurs types de cancers et peut-être même à ceux qui souffrent de maladies infectieuses.
L'intérêt de la vitamine C dans le traitement du cancer est discuté depuis plus de trente ans : dans les années 1970, plusieurs études ont suggéré que 10 grammes d'acide ascorbique par jour pouvaient améliorer l'état de patients atteints de cancers. Cependant, deux études menées par la suite ont remis en cause ces résultats en montrant que l'effet de la vitamine C était comparable à celui d'un placebo. Fait remarquable, alors que, dans les premières études, l'acide ascorbique était administré par voie orale ou par voie intraveineuse, les essais contre placebo ont utilisé une seule méthode d'administration, la voie orale. Or, des études pharmacocinétiques récentes ont montré que l'administration d'acide ascorbique par intraveineuse conduit à une concentration plasmatique de la molécule plus de 25 fois supérieure à celle obtenue à la suite d'une administration par voie orale.
Cette dernière observation a conduit Chen et coll. à lancer une nouvelle étude de l'effet de la vitamine C sur les cellules cancéreuses. Les chercheurs ont décidé de travailler in vitro sur des cellules en culture, dans des conditions expérimentales qui miment celles d'une administration de la molécule par voie intraveineuse.
Les chercheurs ont tout d'abord évalué la toxicité de l'acide ascorbique sur quatorze lignées de cellulaires - dix lignées cancéreuses et quatre lignées témoins non transformées. Ces lignées ont été exposées une heure durant à différentes doses d'acide ascorbique, une dose physiologique (0,1 mM) et toute une gamme de doses pharmacologiques (0,3 à 20 mM).
Les cellules normales résistent.
Cette expérience préliminaire a montré que toutes les cellules normales résistent aux doses de vitamine C les plus fortes qu'on ait testées. En revanche, la moitié des lignées tumorales sont sensibles à l'acide ascorbique dès les plus faibles doses pharmacologiques. Sur la lignée la plus sensible parmi celles qui ont été testées, une exposition d'une heure à une dose de 0,5 mM d'acide ascorbique suffit à tuer 50 % des cellules.
Chen et coll. ont poursuivi leur étude en tentant de décrypter les mécanismes moléculaires à l'origine de l'effet cytotoxique de la vitamine C. Ils ont pu établir que la mort des cellules tumorales dépend des molécules d'acide ascorbique présentes dans le milieu extracellulaire. La cytotoxicité est indépendante de la présence de chélateur, mais absolument dépendante de la formation de peroxyde d'hydrogène.
La formation de peroxyde d'hydrogène.
La formation de peroxyde d'hydrogène dépend quant à elle de la concentration en vitamine C, du temps d'incubation et de la présence de 0,5 à 10 % de sérum. Elle est corrélée à la formation de radicaux libérés à partir de l'acide ascorbique.
La vitamine C serait donc un précurseur du peroxyde d'hydrogène, lui-même responsable de la mort des cellules tumorales.
Le peroxyde d'hydrogène étant par ailleurs connu pour son pouvoir antimicrobien, Chen et coll. imaginent que l'administration de vitamine C par voie intraveineuse pourrait avoir un intérêt non seulement dans le cadre du traitement de certains cancers, mais aussi dans celui de différentes maladies infectieuses.
Chen et coll., « Proc Natl Acad Sci USA » du 20 septembre 2005, pp. 13604-13609.
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