Contre un projet d'incinérateur dans le Puy-de-Dôme

Le combat de 467 médecins

Publié le 23/04/2007
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«NOUS VOULONS lancer une pétition auprès des 250000habitants de la communauté deClermont-Ferrand», déclare au « Quotidien » le Dr Jean-Michel Calut, médecin généraliste à Lempdes (Puy-de-Dôme) et l'un des porte-parole du collectif de médecins opposés au projet de construction d'un incinérateur. «Le principe de précaution, qui est inscrit à l'article5 de la charte de l'environnement, vaut aussi pour les incinérateurs. Il s'agit d'un problème de santé publique. Nous ne voulons plus entendre la phrase “Responsable mais pas coupable” », s'exclame-t-il, fier de représenter 467 médecins de l'agglomération clermontoise, toutes spécialités confondues. Les signataires de la pétition, qui se déclarent «en état de légitime défense par rapport à (leur) santé», s'engagent à «mettre en oeuvre toutes les actions nécessaires» pour empêcher la construction de l'incinérateur sur la commune de Clermont-Ferrand. Le texte sera diffusé dans des pharmacies, des commerces et des lieux publics locaux, notamment par l'intermédiaire d'associations de protection de l'environnement.

Cela fait maintenant deux ans que les médecins ont commencé à se mobiliser contre ce projet retenu dans le plan départemental des déchets. Leurs «arguments sanitaires» s'appuient sur quatre points. Premièrement, une étude de l'Institut national de veille sanitaire (InVS), en novembre 2006, met en évidence «une relation significative entre le lieu de résidence sous un panache d'incinérateur de 1972 à 1985 et l'augmentation du risque de certains cancers». Mais selon l'InVS, ces résultats ne peuvent être transposés aux situations actuelles, compte tenu des nouvelles normes appliquées aux installations. «Il faut rappeler qu'en 1995 les taux fixés pour les émissions de dioxines étaient cent fois plus élevés que ceux de 2006. Ces normes étaient néanmoins annoncées, par les défenseurs de l'incinération, sans risque pour la population environnante alors que nous savons aujourd'hui que ce n'était pas le cas», répond le Dr Calut. En outre, poursuit-il, «la Commission européenne a décidé en 2008 de revoir à la baisse la norme légale actuelle concernant les rejets de dioxines» qui est actuellement de 0,1 nanogramme/m3.

L'Appel de Cournon.

Deuxième argument de taille, le Pr Dominique Belpomme, président de l'Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (Artac), à l'origine de l'« Appel » de Paris (pour un monde moins nuisible à la santé) et dont la mesure 145 ratifiée en novembre 2006 demande «l'interdiction de la construction de tout nouvel incinérateur». «Nous ne pouvons que soutenir fermement l'action des (467) médecins pétitionnaires de l'agglomération clermontoise», écrit le cancérologue au Dr Calut. Pour le Pr Belpomme, la mise aux normes des incinérateurs en matière d'émission de dioxine ne «signifie pas l'absence d'émission d'autres substances toxiques, en particulier CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques)».

Par ailleurs, la Commission européenne s'orienterait vers la promulgation d'une directive prônant les alternatives à l'incinération, ce qui obligerait la France à mettre hors service de nombreux incinérateurs.

Enfin, les médecins pétitionnaires, qui ont lancé le 9 mars dernier leur « Appel de Cournon d'Auvergne », se fondent sur deux avis : celui du tiers expert désigné par le préfet d'Auvergne, en novembre 2006, qui aurait déclaré que les résultats de l'étude complémentaire sur le projet d'incinérateur «ne sont pas complètement rassurants, d'autant qu'ils ne tiennent pas compte de l'exposition environnementale locale», et celui, défavorable, de la commission d'enquête, en février dernier.

«Nous sommes d'autant plus opposés à ce projet d'incinérateur qu'il existe des solutions alternatives, fiables et sans danger pour la santé publique, que d'autres pays ont déjà mises en place, explique le Dr Jean-Michel Calut. Il y a, en aval, la réduction des emballages et des déchets, l'augmentation du tri et, en amont, l'installation d'unités de méthanisation, de stabilisation et de compostage.»«Il ne faudrait pas que ce dossier de santé publique prenne une tournure politique malsaine», estime le Dr Jean-Michel Calut. Car, face au maire de Clermont-Ferrand (PS), opposé au projet d'incinérateur, le préfet du Puy-de-Dôme, qui serait un proche du candidat UMP, y semble plutôt favorable. Celui-ci doit rendre sa décision définitive «après les élections».

> STÉPHANIE HASENDAHL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8153