Election présidentielle
De notre correspondant
« La médecine libérale accueille-t-elle encore le marginalisé, le sans-papiers ou le SDF comme il serait de son honneur de le faire ? », se demande le Dr Georges Federmann, médecin psychiatre qui exerce à Strasbourg en cabinet libéral et pour qui trop de ses confrères ont abandonné cette mission et se sont « repliés sur eux-mêmes ». Dans sa salle d'attente, une affiche proclame qu' « aucun être humain n'est illégal », et son cabinet, « volontairement accessible à tous, même sans rendez-vous », témoigne de son engagement aux côtés des exclus.
Réduire les fractures
Pour lui, en ne répondant plus à leur souffrance, qu'ils savent pourtant diagnostiquer, beaucoup de médecins libéraux participent à une « discrimination par défaut » qui ne fait qu'aggraver le fossé entre les groupes sociaux. « Nous avons perdu l'habitude de tendre la main, mais si plus de médecins allaient vers les marginaux et les sans-papiers, on réduirait leurs pathologies et on faciliterait leur intégration : ils apporteraient leur richesse à la France, au lieu d'être transformés en bombe à retardement. » (1).
A l'image des classes moyennes, les médecins sont entrés, selon lui, dans la peur et la suspicion : « Il y a parfois entre les médecins et les banlieues autant de distance qu'entre Israël et la Palestine », les uns n'imaginant plus que les autres existent.
Certes, estime-t-il, très peu de médecins se réclament aujourd'hui du Front national et le corps médical, dans son immense majorité, votera pour Jacques Chirac le 5 mai. Mais le Dr Federmann redoute que les années à venir ne débouchent sur une une politique « répressive » accrue, aggravant les fractures au lieu de les réduire. Pour peu que, dans le même temps, la situation économique et sociale des médecins continue à se dégrader, le Dr Federmann ne serait pas étonné qu'ils soient de plus en plus nombreux à épouser les idées du FN et à voter pour lui. Pour ce médecin, en effet, c'est « du cur des classes moyennes que viendra le salut ou la radicalisation ». Il prédit que, sans une réelle prise de conscience de ces dernières, « le Front national arrivera au pouvoir dans cinq ou dix ans, avec Le Pen ou son successeur, et il y aura une guerre civile dans ce pays ».
« Je suis très heureux de voir les lycéens descendre dans la rue, parce qu'ils sont l'avenir, mais nous autres, médecins, nous devons nous engager dans une action politique et civique au long cours, restaurer l'accueil et faire une véritable prévention ». Tout en dénonçant sans relâche « la banalisation des idées du FN et les compromissions avec lui », le Dr Federmann entend étoffer encore les « collectifs de soignants » contre l'exclusion, auxquels il participe. Il appelle tous ses confrères à « retrouver leur vocation et à revenir vers ces patients qui ne fréquentent plus leurs cabinets », première étape indispensable pour restaurer la cohésion d'une société qui ne se comprend plus elle-même.
Homme de gauche libre de tout parti, il soutiendra Jacques Chirac au second tour, mais prévient, sans se départir de son calme apaisant, qu'il faudra bien plus qu'un vote pour restaurer confiance et démocratie.
Celle-ci passe par une justice qui réprime les délinquants et non les marginaux et par la création de métiers sociaux et éducatifs, bien loin d'un discours « purement répressif qui précipitera la défaite sociale ».
(1) Bien entendu, « le Quotidien » se borne ici à reproduire les propos du Dr Federmann, qui semble oublier que beaucoup de médecins consultent gratuitement pour leurs patients pauvres (NDLR).
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