Des précautions pour certains voyageurs

Le coeur et les voyages en altitude

Publié le 05/04/2007
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Froid polaire, chaleur humide, hypoxie

Le développement du tourisme dans des régions autrefois réservées à des explorateurs ou autres aventuriers pose des problèmes nouveaux pour une population sujette à des pathologies diverses, en particulier cardiaques. Diverses conditions environnementales extrêmes peuvent avoir un impact certain sur la fonction cardiaque : froid polaire, chaleur humide des tropiques, hypoxie d'altitude, entre autres. De plus, la prise en charge de manifestations pathologiques dans ce type d'environnement est rendue difficile par l'isolement du patient, facteur de stress, et par l'éloignement de toute structure de soins appropriée.

L'attrait pour les trekkings ou les voyages culturels en Amérique du Sud (Pérou, Bolivie), en Asie (Tibet, Népal, Ladakh) ou en Afrique (Kilimandjaro) expose une population parfois âgée aux contraintes de l'hypoxie d'altitude.

Chez les sujets sains, l'arrivée en altitude induit une hyperventilation et une tachycardie, suivies, si le séjour se prolonge, par une polyglobulie réactionnelle. Le coeur sain supporte très bien des niveaux d'hypoxie sévère, probablement du fait d'une désensibilisation progressive des récepteurs adrénergiques cardiaques qui protège le coeur contre une trop forte consommation d'oxygène. Ainsi, la fréquence cardiaque maximale diminue au cours d'un séjour en altitude : de 180 battements/min au niveau de la mer, elle peut descendre à 150 après 15 jours de trekking aux alentours de 4 000 m. Cet effet « bêtabloquant » naturel de l'altitude peut interférer avec la prise de bêtabloquants chez des patients hypertendus ou coronariens. Ainsi, la prise de ce type de médicament limitant la tachycardie à l'effort va réduire les capacités à l'exercice d'un individu donné en altitude. Si le contexte pathologique le permet, il sera possible de changer le traitement pour une substance moins bradycardisante (bloqueurs calciques, IEC…).

Le mal aigu des montagnes

Les symptômes de mal aigu des montagnes peuvent survenir dans les premiers jours, surtout si la montée en altitude a été trop rapide. Si ces manifestations (céphalées, nausées, anorexie, insomnie) peuvent gâcher les vacances, elles mettent exceptionnellement la vie en danger, sauf dans les cas rares d'oedème pulmonaire ou cérébral de haute altitude. La prévention sera axée sur des règles simples de progression en altitude : au début du séjour, à partir de 3 000 m, ne pas dépasser, en moyenne, 400 m de dénivelé entre deux nuits consécutives. Il faut laisser le temps à l'organisme de développer ses mécanismes d'acclimatation. En cas de montée rapide « obligatoire » (arrivée en avion à La Paz, à Leh ou à Lhassa, ascension du Kilimandjaro…), l'acétazolamide sera prescrit dès la veille de l'arrivée en altitude (2 fois 125 mg/j) jusqu'au jour où le point le plus haut sera atteint. L'acétazolamide est efficace par son effet stimulant sur la ventilation. Son effet diurétique contraindra à la prudence chez des patients qui sont déjà sous diurétiques. Si une manifestation grave survient en altitude, le seul réflexe à avoir est de redescendre le plus vite possible. L'utilisation d'un caisson hyperbare portable (par séquences d'une heure) pour simuler une descente rapide permet de soulager le patient chez qui apparaît un oedème pulmonaire et cérébral, mais ne l'exonérera pas de la descente. On associera des corticoïdes injectables et, dans le cas de l'oedème pulmonaire, un bloqueur calcique (nifédipine) ou un inhibiteur de la PDE5 (sildénafil) pour baisser rapidement la pression artérielle pulmonaire.

Certaines personnes sont plus exposées que d'autres à la survenue de mal aigu des montagnes. Cette prédisposition est vraisemblablement liée à une mauvaise sensibilité à l'hypoxie des chémorécepteurs carotidiens. Elle peut être évaluée par un test d'effort sous-maximal en hypoxie, pratiqué dans un service d'explorations fonctionnelles, comme à l'hôpital Avicenne, de Bobigny.

Maladie cardiaque connue ou récemment découverte

Chez les sujets porteurs d'une pathologie cardiaque préexistante peuvent se poser plusieurs problèmes : les contre-indications éventuelles lors d'une visite préalable au voyage, l'ajustement du traitement, la prise en charge d'une décompensation au cours du séjour. Trois caractéristiques des réactions de l'organisme à l'hypoxie sont à prendre en compte pour envisager le cas du patient cardiaque qui désire se rendre en altitude : l'activation importante du système adrénergique, le niveau d'hypoxémie majoré par l'exercice et l'hypertension artérielle pulmonaire (Htap) physiologique induite par l'hypoxie d'altitude. Il en découle un certain nombre de contre-indications absolues : troubles du rythme sévères, toute pathologie associée à une Htap ou à un shunt droit-gauche, toute pathologie coronarienne avec ischémie se traduisant par des signes cliniques ou électriques. Si la pathologie est modérée ou bénéficie d'un traitement bien équilibré, l'altitude n'est pas une contre-indication formelle. Bien évidemment, tout dépendra de l'objectif annoncé (de la visite culturelle en moyenne altitude au trekking-expédition en haute altitude) et de la pathologie en cause. Un patient hypertendu, mais bien équilibré, ou un coronarien ayant repris une activité physique régulière après angioplastie ou pontage et présentant un ECG d'effort négatif cliniquement et électriquement pourront envisager un voyage au Pérou ou un trekking au Népal.

Ainsi, l'altitude ne doit pas être considérée comme un environnement systématiquement hostile et dommageable pour le coeur. Certaines équipes médicales utilisent même l'altitude moyenne, associée à l'exercice, dans des programmes de réhabilitation cardio-respiratoire.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le séjour commence généralement pas un voyage en avion, c'est-à-dire par une exposition à une altitude modérée (cabines pressurisées à une altitude variant entre 1 600 et 2 200 m d'altitude selon les avions et les destinations). Cette altitude modérée ne pose généralement pas de problème particulier sur le plan cardio-vasculaire. En revanche, l'immobilité et la déshydratation ont été reconnues clairement comme des facteurs de risque de thrombophlébite au cours des vols de plus de huit heures.

Renseignements : une brochure d'information « Santé et altitude » a été éditée par l'Arpe (disponible au 01.48.38.77.57). Consultation de médecine d'altitude, hôpital Avicenne (01.48.95.58.32).

> Pr JEAN-PAUL RICHALET PU-PH hôpital Avicenne, AP-HP, Bobigny

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8142