LES PÉRIODES d'épidémie de grippe s'accompagnent d'une majoration de l'incidence des décès d'origine cardio-vasculaire, selon une étude rétrospective menée à partir de l'analyse de près de 35 000 autopsies de sujets décédés d'infarctus du myocarde ou de décompensation cardiaque chronique. Si cette donnée avait déjà été pressentie par l'analyse des certificats de décès, il restait à apporter des preuves histologiques de cette théorie qui pourrait expliquer environ 92 000 décès chaque année aux Etats-Unis.
L'équipe du Dr Mohammad Madjid (Houston) a choisi de travailler en collaboration avec une équipe de Saint-Petersbourg, en Russie, en raison du taux particulièrement élevé des autopsies pratiquées dans cette région (70 %). Le choix a aussi été motivé par la faible couverture vaccinale antigrippale (3 %) et par un moindre recours aux médicaments stabilisateurs des plaques d'athérome, tels que les statines (3 %).
11 892 autopsies pour décès par infarctus du myocarde.
Les auteurs se sont penchés sur les recueils hebdomadaires des données extraites des autopsies et sur l'analyse des cas d'infections respiratoires saisonnières déclarées auprès du centre de référence. Entre 1993 et 2000, 11 892 autopsies ont été pratiquées chez des sujets décédés d'infarctus du myocarde et 23 000 chez des personnes décédées des suites d'une décompensation d'insuffisance cardiaque, pour une population globale de plus de 2 millions de personnes.
En moyenne, les décès sont survenus à l'âge de 75 ans pour les femmes et de 65 ans pour les hommes. L'âge des patients autopsiés était compris entre 30 et 89 ans. Le virus grippal le plus souvent en cause était de type H3N2 à l'exception de l'hiver 1994-1995, où un virus B a été à l'origine de l'épidémie. En 1995-1996, 1997-1998, 1999-2000, un virus H1N1 circulait aussi dans cette région. La durée moyenne des pics épidémiques de grippe s'est établie à près de trois mois pendant la période analysée.
«Chaque année, au moment où le virus Influenza circule de façon intense, le taux de décès par maladies cardio-vasculaires augmente de façon significative. Par rapport aux autres semaines de l'année, l'incidence hebdomadaire d'infarctus et de décompensation d'insuffisance cardiaque retrouvée à l'autopsie augmente de 30% environ, quelle que soit la souche virale circulante», analyse le Dr Madjid. L'analyse en sous-groupes permet d'affirmer que cette tendance existe chez les hommes, les femmes, les sujets de plus de 50 ans et les plus de 70 ans.
Stabilisateurs des plaques d'athérome.
Pour les auteurs, «les médecins ne prennent pas encore assez en compte la majoration du risque cardio-vasculaire au cours des périodes de circulation des virus à tropisme respiratoire; pourtant, la mise en place de traitements stabilisateurs des plaques d'athéromes permettrait de réduire l'incidence des pathologies cardio-vasculaires aiguës. Il convient aussi que les praticiens mentionnent l'existence d'une infection par le virus de la grippe si elle est survenue dans les quatre semaines précédant un décès d'origine cardio-vasculaire».
« European Heart Journal ».
L'impact d'une éventuelle pandémie
L'infection par un virus à tropisme respiratoire ou par un Influenza induit une réponse inflammatoire aiguë et parfois sévère chez le patient. Associée à une majoration du débit cardiaque en rapport avec la fièvre, l'inflammation pourrait déstabiliser, voire rompre, les plaques athéromateuses et conduire à une obstruction coronarienne aiguë. Au cours de l'épidémie de Sras de 2005, on estime que près de 40 % des patients sont décédés de maladie cardio-vasculaire aiguë. Si une pandémie grippale mondiale survenait, l'utilisation de médicaments stabilisateurs des plaques athéromateuses, tels que les statines, les bêtabloquants, l'aspirine et les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, chez les sujets les plus à risque, permettrait une diminution substantielle du nombre des décès d'origine cardio-vasculaire associée à l'infection.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature